Les illusionnistes, c’est le titre de la brillante enquête réalisée par les journalistes Géraldine Woessner et Erwan Seznec, qui esquisse un panorama stupéfiant des conséquences absurdes qu’a entraînées la mise en place de diverses mesures au nom de la préservation de l’environnement
Après une première partie particulièrement bien documentée dédiée aux racines de l’écologie politique – à la découverte de Malthus, Ehrlich, le Club de Rome, Dumont, Ellul ou Illich et autres « marchands d’apocalypse » –, Géraldine Woessner et Erwan Seznec révèlent dans leur livre Les Illusionnistes (Robert Laffont) l’histoire d’un « grand aveuglement ».
La pensée magique de l’écologie politique
Si les auteurs consacrent plusieurs chapitres à l’agriculture (notamment sur les pesticides, le glyphosate, l’eau ou encore les OGM), l’atout majeur de leur livre réside assurément dans le fait de montrer comment beaucoup d’autres secteurs ont également fait les frais des incohérences de la pensée magique qui règne sur l’écologie politique.
Il y a bien entendu l’énergie, avec le scandale autour de l’idée de la sortie du nucléaire – une saga aussi improbable que passionnante, dans laquelle les auteurs relatent notamment la création dès 1982 de l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie (AFME), « la première agence officielle de décroissance », qui deviendra par la suite l’Ademe sans pour autant changer de logiciel. Mais aussi le scandale « étouffé » du chauffage au bois, responsable d’une pollution de l’air « largement sous-estimée », qui incarne pour les écologistes « la solution pour remplacer… le nucléaire ». Ou encore celui de la décarbonation des logements, où l’on découvre qu’un indicateur – le coefficient de conversion – est à l’origine d’un biais significatif dans le calcul des DPE (diagnostic de performance énergétique), et cela afin de favoriser le chauffage au gaz au détriment du chauffage électrique, donc… nucléaire !
Pour chaque analyse, chaque révélation, un même constat s’impose : l’essentiel des solutions prônées par l’écologie politique engendre des conséquences absurdes, qui n’améliorent ni notre santé ni notre environnement. Le parcours de ces scénarios répétés conduit naturellement le lecteur à s’interroger : comment l’administration française a-t-elle pu se laisser prendre au piège de l’écologie politique ?
Une partie de la réponse se trouve dans le fait que l’administration subit depuis de nombreuses années une sorte d’entrisme de la part des militants écologistes, notamment au sein du puissant ministère de l’Environnement, dont l’influence n’a cessé d’augmenter au fil du temps. « Il y a vraiment une espèce de cinquième colonne aujourd’hui dans beaucoup de ministères, qui mettent de la pression sur nos responsables politiques », se félicite Matthieu Auzanneau, directeur du think tank The Shift Project, une association de lobbying fondée par Jean-Marc Jancovici qui est présentée dans le livre. « La pensée environnementaliste de EÉLV et des ONG décroissantes a totalement infusé le ministère de l’Environnement. Et on le doit, c’est un comble, à Nicolas Sarkozy », y confirme aussi l’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy. Avec des fonctionnaires de l’environnement qui « sont plus radicaux que leurs ministres et beaucoup plus radicaux que la moyenne de la population », soulignent les deux journalistes.
« Pour un journaliste, la découverte d’un scandale est souvent stimulantes », expliquent les auteurs. Sauf, qu’il y en a de moins de moins
Mais il faut aussi compter avec les médias, secteur que les auteurs connaissent parfaitement. « Pour un journaliste, la découverte d’un scandale est souvent stimulante », expliquent-ils. Sauf que dans les domaines sanitaires et environnementaux, il y en a de moins en moins et « la corporation des journalistes d’investigation, parfois, le regrette ».
Ainsi, « le drame du journalisme d’investigation est qu’il a gagné la bataille, et qu’il ne le sait pas. Il tourne en rond, la lance en main, comme un saint Georges sans dragon à transpercer. Ou plus exactement, les dragons deviennent de plus en plus petits, jusqu’à atteindre une taille dérisoire », s’amusent les auteurs. Cela explique que, si un journaliste se trouve confronté à un scandale, sa tentation de refouler son sens critique – lorsqu’il n’est pas déjà tout acquis à la cause – prime sur son objectivité.
Et justement, la liste des faux scandales décryptés dans le livre est impressionnante…