Pour la première fois dans l’histoire du Salon de l’agriculture, les volailles seront interdites de séjour au Parc des Expositions de la Porte de Versailles. Par ailleurs, le gouvernement a décidé d’étendre les mesures de confinement des volailles de vingt-six à cinquante-huit départements. Ces deux décisions sont conformes au souhait du Président de la République, Jacques Chirac, qui a exigé lors du Conseil des ministres du 25 août 2005 que le Gouvernement applique « pleinement le principe de précaution ». C’est donc au nom de ce principe que les poulets de Loué, les volailles Label Rouge et autres canards bio sont priés cette année de rester chez eux, soigneusement enfermés. Ces décisions ont pourtant été contestées par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), qui considère que « l’application immédiate de mesures de protection (confinement) des oiseaux domestiques en France demeure non justifiée ».
En effet, comme ne cesse de le répéter Bernard Vallat, directeur général de l’Office international des épizooties (OIE), « le virus (H5N1)n’est pas adapté à l’homme, il arrive à passer la barrière d’espèces dans quelques cas, mais finalement très peu par rapport aux centaines de milliers de contacts qui ont lieu entre oiseaux malades et hommes. Depuis deux ans, cette souche est stable, ce qui lui permet de continuer à sévir chez les oiseaux. Cela incite à l’optimisme pour l’homme, mais pas pour l’animal, pour qui les dégâts sont énormes ». La priorité demeure donc plus que jamais d’aider les services vétérinaires à combattre la maladie chez les oiseaux, et non de se focaliser sur la prévention d’une éventuelle pandémie humaine.
Ce qui implique, comme l’a souligné le ministre turc de la Santé Recep Akdag dans le quotidien Milliyet, « d’abattre tous les volatiles élevés dans les arrière-cours et d’arrêter ce type d’élevage [en Turquie] ». Or, les dix millions de volailles qu’il faudrait éliminer d’urgence, et qui sont répandus dans tout le pays y compris au cœur des grandes villes, représentent la seule source de protéines des populations les plus démunies.
Dans ce contexte, accorder une enveloppe de six millions d’euros à la filière avicole française, alors que celle-ci a déjà subi des pertes de l’ordre de cent vingt-cinq millions d’euros, laisse « un goût de trop peu et d’amertume aux éleveurs », comme le déplore avec raison François Lucas, le président de la Coordination rurale. D’autant plus qu’un de ces six millions est destiné à une campagne publicitaire pour promouvoir la consommation de poulets en France.
Plutôt que de cacher les poulets français, le gouvernement ne serait-il pas mieux avisé de relancer la filière avicole en organisant un « pont aérien alimentaire » vers la Turquie afin d’accompagner les mesures d’abattage indispensables à l’éradication de la maladie ? Les dépenses ainsi occasionnées – de loin inférieures au budget consacré aujourd’hui à l’achat d’antiviraux -, auraient au moins le mérite de conjuguer mesures de santé publique et relance économique.