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OGM : Une étude au parfum de propagande

A quelques jours de leurs procès, les faucheurs volontaires se sont mobilisés pour faire réaliser une parodie d’étude scientifique, qui devrait être financée par le conseil régional d’Aquitaine.

Le 30 août 2006, le Collectif Aquitaine Avenir sans OGM a présenté à la presse son Etude d’une pollution génétique en Lot-et-Garonne. Au sein de ce collectif d’associations anti-OGM, proche de la Confédération paysanne, figurent quelques faucheurs volontaires comme Michel Daverat, un élu Vert condamné en novembre 2005 à deux mois de prison avec sursis, ou Claude Peytermann, coordinateur des actions de repérage et de fauchage de champs OGM dans sa région, ainsi que des militants de Greenpeace et des Amis de la Terre. Réalisé en deux volets, ce document veut démontrer l’impossibilité de la coexistence entre maïs OGM et maïs non OGM.

Qui en sont les auteurs ? S’agit-il de scientifiques ? D’experts appartenant à un organisme de recherche réputé ? Pas du tout. La partie du document consacrée à la « pollution du miel » a été rédigée par deux militants spécialisés dans la lutte contre le Gaucho et le Régent TS, acquis à la cause anti-OGM : Maurice Coudoin, un vétéran de la Coordination apicole, et Béatrice Robrolle, la présidente de Terre d’Abeilles – par ailleurs responsable du parti de Philippe de Villiers dans l’Indre. Mme Robrolle s’est fait assister par Frank Aletru, un apiculteur vendéen également proche du vicomte. Bien que responsable à la FDSEA de Vendée, Frank Aletru est toujours prêt à donner un coup de main à la Coordination rurale et à la Confédération paysanne dèslors qu’il s’agit d’abeilles, de pesticides ou d’OGM. C’est ainsi qu’il avait « loué ses services » à la Commission apicole de la Coordination rurale pour l’audience du 17 mai 2006 avec Catherine Rogy, la conseillère technique du pôle alimentation et sécurité sanitaire du ministère de l’Agriculture.

Béatrice s’emballe !

Béatrice Robrolle – qui n’est pas plus scientifique que Frank Aletru – est avant tout la gérante d’une florissante entreprise commerciale : le Domaine de Chézelles. La société réalise l’essentiel de son chiffre d’affaires (plus de 10 millions d’euros) grâce à la vente – boostée par un service de marketing particulièrement performant – de miels, gelées royales et autres propolis, de toutes provenances. Le Domaine de Chézelles se porte d’ailleurs plutôt bien en ces temps de vaches maigres apicoles, puisqu’il distribue à ses actionnaires (c’est-à-dire essentiellement à la famille Robrolle-Mary) plus de 500 000 euros de dividendes par an depuis de nombreuses années ! « Conseillère » un certain temps à la Coordination rurale, Mme Robrolle préfère désormais « butiner » chez les amis de la Confédération paysanne. Il est vrai que sur les 500 agriculteurs environ qui ont décidé de cultiver du maïs OGM cette année, au moins une bonne centaine sont adhérents ou sympathisants du syndicat de François Lucas. Car il n’y a pas qu’à l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM) et à la FNSEA que certains adhérents se sont lancés dans l’aventure des biotechnologies…

Mme Robrolle, qui a rédigé le très sérieux « protocole expérimental ruchers » de ladite étude, s’est laissée emporter dans son élan. Le résultat final ressemble fort à un pamphlet accusateur, qui n’est pas sans rappeler le délicat style de son mentor, Philippe de Villiers.

Ainsi, on peut lire que les abeilles seraient menacées dans leur existence par « une minorité assoiffée de puissance et de profit » ; ou plus loin, « une bonne abeille serait-elle une abeille morte ? », Béatrice Robrolle faisant allusion aux « deux insecticides systémiques illégalement mis sur le marché, qui ont décimé des milliards [sic] d’abeilles depuis dix ans ».

Le volet abeilles

Au-delà de ces considérations pas très scientifiques, que montrent les résultats de « l’étude » ? Trois lots composés de trois ruches chacun ont été situés respectivement à 400 m, 1 200 m et 1 500 m de la périphérie de parcelles de maïs Bt. Après dix jours de butinage, du pollen et du miel ont été prélevés. « Sous contrôle de Maître Granier», précise Mme Robrolle.

Analysés par un laboratoire spécialisé, les trois lots révèlent des traces de pollen de maïs. En quelle quantité ? 1 gramme ? 0,1 gramme ? 0,0001 gramme ? Aucune indication chiffrée ne figure dans les résultats fournis par le laboratoire. Qu’importe, pour la présidente de Terre d’Abeilles, la présence de pollen de maïs dans le pollen de la ruche « prouve » que les abeilles vont sur le maïs. La belle affaire ! Elle affirme même qu’on retrouve dans la ruche du pollen de maïs Bt. Cette fois-ci, l’étude se fend même d’une petite indication : la quantité serait « supérieure à 5 % »… de l’ensemble du pollen de maïs décelé, dont on ne connaît toujours pas la quantité ! En bref, on retrouverait du pollen de maïs Bt dans deux des ruches situées respectivement à 400 m et 1 200 m d’un champ de maïs Bt. A priori, c’est plutôt bon signe pour les abeilles. Où iraient-elles donc déposer leur butin, sinon dans la ruche ? En revanche, ce qui est surprenant, c’est que l’échantilllon prélevé sur les ruches situées à 1 500 m du champ OGM ne montre aucune trace de pollen de maïs OGM. Existerait-il une ligne magique entre 1 200 m et 1 500 m ? D’autant plus qu’il est reconnu qu’une abeille peut aller butiner jusqu’à 5 km ! Mais il est vrai qu’extrapoler à partir des résultats de trois échantillons, c’est un peu juste…

Quoi qu’il en soit, on peut se demander quelles seraient les conséquences de la présence de pollen « contaminé par les OGM » et dont les quantités n’ont pas été déterminées. Visiblement, elles ne sont pas très grandes, car l’étude ne fait aucune mention de problèmes de mortalités ou de maladies des abeilles. En outre, elle ne relève aucune trace de maïs dans les six échantillons de miel analysés – donc a fortiori encore moins de maïs Bt. Il est vrai que dans le monde de l’apiculture, il n’est pas de bon ton de mettre en cause la qualité « naturellement excellente » des produits de la ruche. Le consommateur peut donc dormir – ou plutôt manger – tranquille.

In fine, l’équipe « scientifique » de Béatrice Robrolle a simplement prouvé que lorsqu’on faisait butiner du maïs transgénique par des abeilles, celles-ci rapportaient leur récolte à la ruche. Avec de tels résultats, Mme Robrolle ne devrait-elle pas proposer son étude pour publication dans la revue scientifique Nature ?

Le volet maïs

L’étude gravit un degré supplémentaire sur l’échelle du ridicule lorsqu’elle analyse les résultats des essais concernant « la contamination » de maïs conventionnel par du maïs Bt. Le même protocole a été utilisé, avec trois parcelles de maïs situées respectivement à 15 m, 95 m et 305 m d’un champ OGM. Mi-août, 120 épis de chaque parcelle ont été prélevés « de manière représentative». Après égrainage, 3 kg de maïs par parcelle ont été remis pour
analyse. Or, les résultats pour les trois parcelles montrent des teneurs en maïs OGM inférieures à la norme européenne de 0,9 % (respectivement 0,3 %, 0,1 % et non quantifiable) ! C’est-à-dire que les trois lots sont parfaitement commercialisables en tant que maïs conventionnel. Soulignons que ces résultats sont nettement inférieurs à ceux obtenus par l’institut de recherche agronomique Arvalis, publiés en septembre 2006 dans Perspectives Agricoles, et qui ont servi à établir des zones refuges de 20 m. En se basant sur l’étude des amis de la Confédération paysanne, Arvalis aurait donc pu
proposer des zones refuges encore plus petites…

Tel n’est pas l’avis de Philippe Catinaud, le responsable du «protocole expérimental maïs » de l’étude (et un proche de Jean-Baptiste Libouban, fondateur et animateur des Faucheurs Volontaires). Philippe Catinaud conclut que « selon le cahier des charges de l’agriculture biologique ou de toute filière de qualité excluant les OGM (certains poulets label par exemple), tout maïs cultivé dans un périmètre de 300 m d’une source de maïs Bt (ou plus comme le laisserait supposé [sic] les résultats sur pollen) aura obligation d’être analysé et ne pourra être vendu avec la mention “sans OGM” si sa floraison est concomitante avec le maïs Bt ». Ce qui est entièrement faux ! En effet, le cahier des charges de l’agriculture biologique se rapporte à une exigence de moyens, et non de résultats. La présence fortuite d’OGM – tout comme celle de pesticides – ne met pas en cause le mode d’exploitation d’un agriculteur bio, pas plus que la présence de dioxine lorsque les champs de ce dernier se trouvent à proximité d’un incinérateur ou d’un lotissement où fleurissent les barbecues… Acheter bio n’a jamais été une garantie de sécurité sanitaire ! En outre, les réserves émises par Philippe Catinaud ne concernent au maximum que 10 000 ha de maïs bio, sur les 3 millions d’ha de maïs cultivés en conventionnel (ce qui représente 0,35 % du total des surfaces de maïs en France !).

Quoi qu’il en soit, l’étude du Sud-Ouest confirme que la coexistence entre maïs OGM et maïs conventionnel est tout à fait possible – réserve faite pour certains agriculteurs militants de mauvaise foi, qui acceptent pourtant de déverser sur leurs cultures d’importantes quantités de pesticides bio comme le Bacillus Thuringiensis (Bti), mais qui crient au loup devant un gène provenant de cette même bactérie, dans la mesure où celui-ci a été introduit artificiellement dans le maïs.

Au final, tout ce remue-ménage n’est pas très sérieux, sauf à considérer les 11 000 euros qu’il a nécessités, et qui devraient être pris en charge par… le conseil régional d’Aquitaine. Ceci s’explique sûrement par le fait que Bérénice Vincent, l’un des piliers du collectif anti-OGM à l’origine de l’étude, est par ailleurs conseillère régionale des Verts en charge du dossier OGM au même
conseil régional !

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