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NGT: le potentiel immense des gènes de sensibilité

Alors que la réglementation autour des techniques d’édition génomiques (NGT) reste paralysée dans l’UE, le vieux continent continue à se priver de solutions efficaces, notamment dans la lutte contre les maladies qui affectent les plantes

S’il y a bien un domaine dans lequel les nouvelles techniques génomiques (NGT) peuvent très rapidement apporter un progrès considérable, c’est dans celui de la lutte contre les maladies qui affectent les plantes. Les travaux publiés en 2024 sur l’usage de l’édition génomique pour la génération de lignées de riz résistantes à la pyriculariose, principale maladie du riz causée par le champignon Magnaporthe oryzae, en apportent la preuve éclatante.

« Les chercheurs sont partis du constat qui veut que la sensibilité d’une plante à une maladie n’est pas un état per se, mais résulte de la manipulation par l’agent pathogène de certains gènes de la plante afin de se créer un environnement favorable à son développement », explique Thierry Langin, directeur de recherche au CNRS et responsable de l’équipe Maladies des céréales au sein de l’Unité GDEC de Clermont-Ferrand. Ces gènes ont été baptisés par la communauté scientifique « gènes S », pour gènes de sensibilité. Or, il a désormais été démontré que leur inactivation peut priver l’agent pathogène de l’accès à des fonctions végétales essentielles au bon développement de son processus infectieux, permettant ainsi de diminuer significativement le niveau de sensibilité d’une plante. Cela constitue un moyen efficace pour créer des résistances potentiellement plus durables et complémentaires des résistances classiques basées sur la mobilisation des mécanismes de défense. Toutefois, deux raisons principales ont limité jusqu’à présent cette stratégie : « Le fait que ces variants alléliques ne s’expriment que lorsqu’ils sont présents en deux copies dans le génome, en raison de leur caractère récessif, rend difficile leur identification dans les ressources génétiques, et ensuite, que la mutation de ces gènes S s’accompagne souvent d’un impact plus ou moins fort sur un caractère agronomique de la plante, rendant cette nouvelle variété moins intéressante pour le sélectionneur », comme le précise Thierry Langin.

Deux exemples de riz NGT


Dans le cas du riz, un consortium international, animé par le généticien tunisien Sophien Kamoun du John Innes Centre à Norwich (Royaume-Uni), a cependant réussi à identifier plusieurs gènes impliqués dans sa sensibilité à Magnaporthe oryzae. « Cette équipe a démontré ensuite que si l’inactivation de certains d’entre eux chez une variété de riz sensible conduisait, en conditions contrôlées, à une diminution plus ou moins forte de sa sensibilité, le cumul de trois gènes S mutés dans un même fond génétique conduisait, en revanche, à une quasi-résistance », indique l’expert. Dans le cadre d’une collaboration avec une équipe de l’Université de Milan, ces mêmes mutations ont été introduites dans la variété de riz élite Arborio, et une expérimentation en plein champ a été autorisée par l’État italien (voir « NGT : L’Italie rompt avec des décennies d’hostilité aux biotechnologies »).

Un second exemple confirme la pertinence de cette stratégie : il s’agit du projet conduit par l’équipe dirigée par la chercheuse Angela Mehta, qui a identifié un set de gènes de sensibilité du riz à Magnaporthe oryzae, différents de ceux utilisés par l’équipe de Kamoun. Là encore, le cumul de gènes S conduit à une forte diminution de la sensibilité d’une variété de riz très sensible, et le travail de validation au champ est en cours.

« Dans ces deux exemples, les variants alléliques des gènes S ont été générés par l’utilisation du système de mutagénèse ciblée Crispr-Cas9, bien plus précis que ce qu’on aurait pu obtenir avec d’autres méthodes », se félicite Thierry Langin, qui poursuit : « Ces deux travaux représentent une parfaite illustration de l’apport essentiel de l’édition du génome, notamment grâce à la précision de ses outils, à la valorisation des travaux sur l’identification de gènes de sensibilité aux maladies. Et comme les laboratoires européens, publics ou privés, disposent aujourd’hui d’un catalogue important et diversifié de gènes codant des facteurs de sensibilité pour un grand nombre de maladies affectant des plantes cultivées majeures, les perspectives en termes de diversification des sources de résistance aux maladies sont considérables. » Sachant que, pour certains d’entre eux, des lignées éditées sont déjà disponibles, leur validation au champ n’attend que l’adoption du projet de réglementation des NGT de la Commission européenne.

« Les variants alléliques des gènes S ont été générés par l’utilisation du système de mutagénèse ciblée Crispr-Cas9 », note Thierry Langin

Il est à espérer que l’Union européenne, et la France en particulier, se porteront garantes de la bonne conduite des indispensables essais en plein champ. Autrement dit, que nos responsables politiques mettront en place un cadre juridique suffisamment dissuasif pour mettre fin aux actions de destruction comme celles qui ont eu lieu un mois après la mise en place de l’expérimentation italienne sur les riz Arborio génétiquement édités, pourtant autorisée par les instances de l’État.

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