Alors que la base de données EU-Sage recense plus de 900 expérimentations utilisant des NGT en cours dans le monde, l’Union européenne reste à la traîne. Seul un essai en plein champ a été lancé en Italie, avant d‘être vandalisé
Tandis que l’Union européenne est paralysée par d’interminables discussions sur la mise en place d’une réglementation adaptée pour les nouvelles techniques génomiques (NGT), la base de données d’EU-Sage, un réseau représentant les phytologues de 134 instituts et sociétés européens de sciences végétales, a recensé 912 cas d’études de recherche utilisant ce type de techniques, dont pas moins de 838 avec Crispr/Cas9.
On y trouve notamment 183 études liées à la tolérance au stress biotique (virus, bactérie, etc.), 188 à l’amélioration de la qualité des denrées alimentaires, et 86 à la tolérance au stress abiotique (stress salin, sécheresse, tolérance au froid, etc.). Sans surprise, la Chine domine largement avec plus de 500 essais, suivie des 177 essais menés par des instituts américains. Certes, l’Europe n’est pas en reste, avec sa petite quarantaine de projets, mais essentiellement dans le cadre d’expérimentations menées avec des pays d’autres continents, les membres de l’Union européenne étant incapables de se mettre d’accord sur un cadre juridique satisfaisant. En cause, le blocage permanent de la Pologne, qui a encore refusé le 26 juin dernier le compromis proposé par la présidence belge, et le refus de l’Allemagne de prendre une décision favorable, sous prétexte de désaccords au sein de sa coalition. Bref, selon toute vraisemblance, le dossier va être mis en veilleuse encore au minimum un an, durée pendant laquelle la Hongrie – pays également hostile aux NGT – et la Pologne vont successivement occuper la présidence du Conseil de l’Union européenne.
C’est dans ce contexte plutôt incertain que l’Italie a pourtant décidé d’autoriser un essai en plein champ d’un riz obtenu avec Crispr/Cas9, c’est-à-dire un outil d’édition génomique n’impliquant pas l’insertion d’ADN étranger.
Une conférence de presse organisée le 13 mai dernier à la ferme Radice Fossati, située dans la commune lombarde de Mezzana Bigli (Pavie), a permis de présenter le projet RIS8ima porté par le Département des sciences agricoles et environnementales et par le Département des biosciences, avec le concours du groupe de recherche de Fabio Fornara, professeur de botanique générale à l’université de Milan.
Commencés en 2017, ces travaux en laboratoire ont démontré leur efficacité pour apporter au riz une résistance au champignon Pyricularia oryzae, responsable de la pyriculariose, une maladie fongique redoutable pouvant entraîner jusqu’à 50 % de pertes de production. « Les tests de résistance en laboratoire ont donné des résultats préliminaires intéressants en termes de productivité et sans l’administration de produits agrochimiques », a indiqué Roberto Defez, consultant de la Fondation Bussolera Branca et membre du comité d’éthique de la Fondation Umberto Veronesi.
Sans surprise, la Chine domine largement avec plus de 500 essais, suivie des 177 essais menés par des instituts américains contre à peine 40 pour les pays de l’UE
Des propriétés qui seront donc testées en plein champ sur une variété italienne de riz de type Arborio. Le riz introduit présente des variantes inactivées de trois gènes associés à la sensibilité à la pyriculariose, qui ont été insérés de façon précise grâce aux NGT, a expliqué la professeure Vittoria Brambilla, responsable du projet.
« Si ces essais en plein champ confirment ces résistances sans présenter d’autres défauts agronomiques ou de perte de production, l’expérimentation sera répétée la saison prochaine pour vérifier leur stabilité dans différents environnements », a déclaré Roberto Defez. Et de préciser : « Dans le cas contraire, d’autres lignées de riz sont prêtes pour de futures expériences, ainsi que les plantes du groupe de recherche de Vittoria Brambilla. »
Retour des biotechs en Italie
Cela marque donc une petite révolution pour les biotechnologies dans ce pays longtemps hostile aux OGM, puisque c’est le premier essai en plein champ réalisé en Italie depuis vingt ans, et le premier avec des plantes obtenues grâce à des techniques NGT. Ce qui a été rendu possible grâce à l’approbation, en mai 2023, d’un amendement au décret sur la sécheresse, qui autorise l’expérimentation de plantes obtenues par NGT en plein champ.
« Aujourd’hui, nous jetons les bases d’un projet que nous avons été les premiers à tester en Italie », s’est félicité Alessandro Beduschi, conseiller de la région Lombardie pour l’agriculture, la souveraineté alimentaire et la sylviculture, qui a formulé le souhait que sa région demeure « à la pointe de l’innovation lorsqu’il s’agit d’offrir des aliments de qualité, sûrs et de plus en plus durables ». « La demande de réduction de l’impact environnemental du secteur ne peut être soutenue qu’en permettant l’utilisation de techniques telles que celles-ci », a-t-il confié à la presse, affirmant espérer