Interpellé à plusieurs reprises par les ONG présentes au Grenelle de l’environnement, le ministre de l’Ecologie, Jean-Louis Borloo, leur avait promis-juré qu’il saisirait la Commission européenne afin d’activer la clause de sauvegarde concernant le maïs MON 810, ce qui rendrait impossible sa culture en France. Une promesse renouvelée lors du conseil des ministres européens du 30 octobre, et confirmée à nouveau le lendemain devant l’Assemblée nationale.
A peine dix jours plus tard, le 9 novembre, des représentants des Faucheurs volontaires, de la Confédération paysanne, de Greenpeace et des Amis de la Terre avaient même été reçus par la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, « pour déterminer les modalités d’application de la suspension de la mise en culture du maïs OGM MON 810 annoncée au Grenelle de l’environnement ». Au cours de cette rencontre, la secrétaire d’Etat avait rassuré les responsables anti-OGM, quelque peu impatients, en leur affirmant que la clause de sauvegarde allait bien être déposée dans un délai de quinze jours. On était encore dans la pleine lune de miel entre NKM et ses amis des ONG écologistes.
Mais les jours ont passé, puis les semaines, et puis… toujours rien ! José Bové avait beau s’impatienter en déclarant que l’« on est en train de nous prendre pour des c… », la clause de sauvegarde ne pointait pas le bout de son nez… Jusqu’à ce que finalement, le 5 décembre, le ministre de l’Agriculture, Michel Barnier, fasse paraître un arrêté stipulant que « la cession à l’utilisateur final et l’utilisation des semences [du maïs MON 810] sont suspendues sur le territoire national jusqu’à la publication d’une loi relative aux organismes génétiquement modifiés et au plus tard jusqu’au 9 février 2008 ».
Stupéfaction chez les ONG ! Voilà la belle promise transformée en banal arrêté d’à peine quatre lignes. Un texte qui ne sera même pas notifié à Bruxelles. «Nous avons été trompés », s’insurge la Confédération paysanne. « C’est une trahison et une déclaration de guerre », s’indigne le député Vert Noël Mamère. Pour les militants anti-OGM, cette décision ne peut être que le fruit des lobbies. Eric Delhaye, le porte-parole de CAP 21, affirme ainsi que « les coups de butoir successifs des lobbies risquent de réduire à néant les espoirs nés du Grenelle de l’Environnement », tandis qu’Olivier Keller, de la Commission OGM de la Conf, avoue être « très choqué que le ministre de l’Agriculture ait cédé à la pression des lobbies agro-industriels ». Même discours de la part de l’association Agir pour l’Environnement, qui explique dans un communiqué de presse du 6 décembre : « Les soldes d’après Grenelle bradent les principales demandes associatives pour le grand bonheur des lobbies en tout genre. » Bref, si Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet ont voulu satisfaire les écologistes et faire preuve de leur bonne volonté, c’est plutôt raté. Et le ministère a beau se justifier et tenter de minimiser ces énervements en déclarant « préférer l’efficacité d’un arrêté au symbole de la clause de sauvegarde, plus risqué vis-à-vis de l’Europe », rien n’y fait.
Il est vrai qu’activer la clause de sauvegarde n’est pas une mince affaire, contrairement à ce que laissent croire les associations écologistes. Le ministre de l’Ecologie le savait pertinemment, puisque dès le 30 octobre il avait confié à l’AFP que « la France ne pourrait invoquer une “clause de sauvegarde” à l’encontre du maïs de Monsanto MON 810 cultivé en France que s’il avait des “éléments nouveaux” sur les effets négatifs de cette culture ». Or, même en raclant les fonds de tiroir, aucun de ces « éléments nouveaux » n’a pu été trouvé. Ironie du calendrier, le jour même où la France a publié son arrêté, l’Allemagne a levé la fameuse clause de sauvegarde sur le MON 810 ! Le porte-parole du ministère de l’Agriculture allemand a en effet déclaré à l’AFP avoir maintenant tous les éléments nécessaires pour permettre la culture de ce maïs OGM…