Les résultats tant attendus de l’Enquête prospective multifactorielle (EPM) sur les abeilles, réalisée par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), ont été présentés en comité restreint le mercredi 6 février 2008, en présence de représentants de l’ensemble des syndicats apicoles. Depuis, c’est le silence radio ! Est-ce parce que les conclusions du rapport confidentiel (dont A&E a obtenu une copie) confirment ce que les syndicats apicoles nient depuis 10 ans, c’est-à-dire que des cultures de maïs traitées au Gaucho ou au Régent TS peuvent parfaitement coexister avec une apiculture correctement pratiquée ?
En tout cas, alors que cette étude a débuté en septembre 2002 (soit un an et demi avant l’interdiction d’usage du Gaucho sur maïs et du Régent), les auteurs constatent « l’absence d’effondrements de la population des colonies, tels que décrits par des apiculteurs lors de l’exploitation de certaines miellées (pas de disparition soudaine et importante des abeilles) ». Or, les 120 ruchers suivis par l’équipe de Michel Aubert ont clairement été en contact avec l’imidaclopride (matière active du Gaucho), puisqu’on retrouve de très faibles traces résiduelles de cette molécule ou de ses métabolites dans 40% des pelotes de pollen et dans 29% des échantillons de miel. Pourtant, « la présence des résidus d’imidaclopride dans les matrices apicoles n’a pas entraîné de mortalité aiguë de colonies ou d’abeilles », soulignent les auteurs. Ce qui ne fait que confirmer les résultats de l’expérimentation réalisée en 2005, consistant à nourrir des colonies d’abeilles avec du sirop contenant de l’imidaclopride (Faucon et al.). Celle-ci avait montré que soumises aux doses les plus extrêmes suceptibles d’être rencontrés dans les grandes cultures de tournesol, les colonies ne subissaient aucun problème : ni mortalité immédiate ni mortalité différée, les colonies ayant été observées jusqu’au printemps suivant.
En outre, l’EPM ne note pas de différence significative de mortalités entre les années 2002, 2003, 2004 et 2005, c’est-à-dire entre des périodes avec ou sans Gaucho.
Pour les quelques cas de mortalités observés, les auteurs évoquent d’une part « la présence de maladies ou d’agents pathogènes » (dont 6 ont été communément retrouvés dans les ruchers), et d’autre part des problèmes de reines, en partie en raison de la présence d’un acaricide utilisé contre la varroase : le coumaphos. Bien que ce médicament vétérinaire utilisé pour traiter les chiens soit interdit en apiculture, il a été fréquemment détecté dans les matrices apicoles. « Des préparations « maison » ont été réalisées à partir de l’Asuntol et appliquées dans les ruches, souvent à des doses plus élevées que les doses recommandées », indique l’étude de l’Afssa, qui estime que « cette pratique d’automédication doit être mise en parallèle avec les résidus de coumaphos souvent détectés dans des échantillons de cire. […] Une partie des mortalités de colonies non expliquées peut trouver là une explication ».
Enfin, l’étude note que sur les ruchers suivis, le taux de mortalité reste globalement bien inférieur à 10% ; un taux estimé « normal » par les apiculteurs eux-mêmes. « D’une manière générale, l’attention consacrée par l’apiculteur aux mesures préventives, la détection précoce et l’identification de la varroase, ont été des points critiques en relation statistiquement significative avec la mortalité des colonies », concluent les auteurs de l’étude.
Sources:
Enquête prospective multifactorielle : influence des agents microbiens et parasitaires, et des résidus de pesticides sur le devenir de colonies d’abeilles domestiques en conditions naturelles ; Michel Aubert, Jean-Paul Faucon, et al. Février 2008