En laissant entendre, en février dernier, que de nouveaux lâchers d’ours pourraient avoir lieu « après les régionales », la secrétaire d’Etat à l’Ecologie Chantal Jouanno avait mis le feu aux poudres dans les montagnes des Pyrénées. « S’il devait y avoir des lâchers, discrets ou pas, il est certain qu’ils se passeraient mal », a averti le député socialiste Henri Nayrou, président de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM), lors d’une manifestation dans les rues de Tarbes. Celle-ci a réuni environ 3500 personnes, dont de très nombreux élus locaux. Dans un courrier adressé au président de la République, ces nombreux élus – toutes tendances confondues – implorent ce dernier de « regarder vers l’avenir : celui d’une biodiversité à visage humain que les Pyrénées ont toujours défendue avec fierté et pugnacité ». Et de rappeler à Nicolas Sarkozy ses propos tenus en 2007 : « Parmi les premiers, vous déclariez : « On ne sauvera pas l’humanité en faisant de l’écologie une idéologie totalitaire, qui se donnerait pour objectif de libérer l’homme de la civilisation pour le renvoyer à l’état sauvage ». » Or, « le retour forcé de l’ours n’est que la démonstration du pouvoir de cette même idéologie jusqu’au sein de l’Etat. Les radicaux de l’écologie ont fait de l’ours le symbole de leur puissance. Aujourd’hui, seule votre autorité pourra la contenir », souligne Philippe Lacube, président de l’association pour le développement durable de l’identité des Pyrénées (ADDIP), qui défend une « montagne vivante » plutôt que « sauvage ».
D’où l’initiative du maire de Tarbes d’organiser une table ronde entre les deux tours des élections régionales, avec Jean-Louis Borloo et une délégation d’éleveurs et d’agriculteurs. « En l’absence des caméras, le ministre aurait dit que les réintroductions d’ours n’étaient pas du tout à l’ordre du jour pour le moment, allant même jusqu’à dire que la secrétaire d’Etat Chantal Jouanno avait été plus loin dans ses propos que le « patron » qu’il est pour elle en tant que ministre de l’Ecologie et du Développement Durable », note le journaliste Christophe Ruiz pour le journal La semaine des Pyrénées. En outre, le ministre de l’Ecologie a définitivement enterré le très impopulaire Groupe national ours dans les Pyrénées (GNOP), mis en place en août 2008 par Nathalie Kosciusko-Morizet. Dorénavant, le dossier sera suivi par le Comité de Massif des Pyrénées, qui doit se réunir au mois de mai. Instance de concertation, ce comité – qui comprend 61 membres issus des collectivités territoriales, du secteur associatif et du monde socio-professionnel – incarne parfaitement la démarche partenariale des politiques interrégionales, beaucoup moins favorable à la réintroduction des ours que ne pouvait l’être le GNOP. « Le ministre a acté l’idée qu’avant toute réintroduction un véritable état des lieux économique, environnemental et territorial soit entrepris et proposé dans le cadre de ce comité », rapporte Marie-Lise Broueilh, présidente de l’Association pour la sauvegarde du patrimoine pyrénéen (ASPP), et qui était présente lors de la table ronde. Occasion également de suggérer au ministre de consulter les autorités espagnoles avant de prendre toute décision. Indiquant avoir bien reçu le message, le ministre a déclaré à la sortie de l’entretien : « On va faire un diagnostic et prendre langue avec les Espagnols ». Sachant que le sénat espagnol s’est prononcé à l’unanimité contre toute nouvelle introduction d’ours le 11 mai 2009 (voir l’article : Le sénat espagnol vote à l’unanimité une motion demandant à la France de ne pas poursuivre sa politique de réintroduction d’ours dans les Pyrénées ) – une information qui n’était curieusement pas remontée jusqu’au bureau du ministre –, les lâchers d’ours risquent de subir le même sort que la taxe carbone…