En devenant Les Écologistes, EÉLV annonce un changement d’état d’esprit qui devrait lui permettre de devenir le premier parti des ruralités. Un pari peu crédible au regard de son histoire
Le 14 octobre, le parti Europe Écologie-Les Verts s’est officiellement rebaptisé « Les Écologistes ». C’est un « nouveau mouvement », affirme sa secrétaire nationale Marine Tondelier, qui sera pourvu « d’un nouvel état d’esprit, de nouveaux outils » pour « une nouvelle aventure ». « Le corps social de notre mouvement va aussi devoir changer » continue-t-elle, en précisant qu’après être devenu le premier parti des centres-villes, Les Écologistes ambitionne de « devenir le premier parti des ruralités ».
Des journées consacrées à la ruralité
D’où le choix qu’a fait le parti de la ville de Die, nichée au pied des falaises du Vercors, pour y organiser du 6 au 8 octobre les Universités des ruralités écologistes, à l’initiative de Marie Pochon, députée écologiste de la Drôme. Ces trois journées ont été consacrées à l’ébauche d’une stratégie politique envers les territoires ruraux, conformément au nouveau credo du parti, désireux d’incarner une « écologie populaire ». « Notre écologie populaire va s’attacher […] à renouer avec les ruralités, avec les territoires populaires, avec les classes populaires, avec ce que l’on nomme avec parfois un peu de mépris, certes, la France périphérique », expliquait déjà la sécrétaire nationale du parti lors du congrès fédéral de Rungis, en 2022.
Première étape envisagée : en finir avec l’image d’un parti de « bobo-végane-urbain donneur de leçons ». « J’ai fait partie de la génération climat, on parlait de grands concepts, on s’est piégés à ne s’adresser qu’aux CSP+ des grands centres urbains. Il faut sortir des discours de stigmatisation : sur la chasse, la viande, il faut se garder de donner des leçons », a ainsi reconnu Marie Pochon. Des propos confirmés par Guillaume Gontard, président du groupe écologiste au Sénat, qui souhaite « aller vers le positif et ne pas montrer du doigt ou provoquer ». « Il nous faut faire attention à qui on s’attaque. Par exemple, le modèle agricole est un choix politique, pas la responsabilité des agriculteurs », affirme-t-il.
Pour sa part, François Alfonsi, eurodéputé corse de Régions et peuples solidaires (fédération de partis régionalistes alliée des Verts au Parlement européen), estime qu’« on ne peut pas dire à un chasseur de façon abrupte qu’il fait n’importe quoi quand il a hérité de cette passion sentimentale de son grand-père à 15 ans ». « Avec le Larzac, José Bové, et la philosophie du retour à la terre, les écologistes avaient de l’écho dans le monde rural. Maintenant, ils ont tendance à surtout parler aux urbains », déplore cet ancien maire du village d’Osani, tandis que Marie Pochon souhaite « sortir des postures verticales » qui consisteraient à venir délivrer la bonne parole.
Enfin, Marine Tondelier considère même qu’il n’y a aucune rupture entre les écolos et les ruraux et rejette l’idée selon laquelle ce sont « des personnes qui ne peuvent pas s’entendre ». « On a d’excellentes relations avec les agriculteurs, y compris ceux avec qui on ne partage pas plein de choses », a-t-elle ainsi précisé, en prenant pour exemple le combat commun contre les accords du Mercosur. Même son de cloche du côté de l’eurodéputé écologiste Benoît Biteau, qui axe son discours sur « l’attractivité des territoires ruraux », affirmant qu’il « entretient d’excellentes relations avec le syndicat Jeunes agriculteurs, qui s’intéresse à la façon dont on va redonner du dynamisme à l’installation agricole ».
Notre histoire est radicale et la radicalité est quelque chose qu’on a en commun chez les Verts », rappelle Marine Tondelier
Bref, à en croire tous ces propos, le nouveau mouvement Les Écologistes aurait lancé une opération de séduction auprès du monde agricole. Toutefois, il semble que celui-ci ne soit pas la cible principale du parti écologiste. C’est en tout cas ce que suggère Simon Audebert, chercheur au Centre d’études européennes et de politique comparée, qui, lors d’une table ronde, a expliqué que ce sont surtout les néoruraux qui constituent « un réservoir de votes pour EÉLV ». Une distinction de taille, car les néoruraux peuvent eux-mêmes être très éloignés des préoccupations du monde agricole, comme en témoignent les multiples contentieux que tentent de faire émerger des associations comme Générations Futures, notamment au sujet de l’usage des pesticides.
Radical un jour, radical toujours
Ainsi, sauf preuve du contraire, ce nouveau discours policé des Écologistes n’est rien d’autre que de « l’agriwashing », qui constitue une façon de masquer la radicalité qui fait tant de tort au mouvement, notamment sur les questions agricoles. C’est ce que déplorent certains militants, à l’instar de Céline, qui estime que « si on est radical, on n’y arrivera jamais », prenant l’exemple des Journées d’été du parti écologiste où il n’y a pas eu de viande servie aux repas, au grand dam des producteurs locaux et bio…
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Bien qu’elle soit préjudiciable au mouvement, cette radicalité fait en réalité partie de l’ADN des Écologistes, comme l’admettait il y a un an à peine Marine Tondelier sur le site Reporterre : « L’écologie est radicale, notre projet est radical, la manière dont on le porte est radicale », avant de conclure : « Notre histoire est radicale et la radicalité est quelque chose qu’on a en commun chez les Verts. Ce n’est pas un curseur différenciant entre militants écolos. » Une opinion partagée par Sandrine Rousseau, qui notait encore récemment sur X que « l’écologie sera radicale ou ne servira à rien ».
Toute l’histoire du mouvement écologiste confirme en effet ses propos. Constamment en première ligne de l’agribashing, le parti soutient encore et toujours les destructions des retenues d’eau, poursuit ses actions pour l’interdiction de tous les pesticides de synthèse et souhaite une transformation radicale de la production agricole française afin qu’elle serve son projet de décroissance…