La dramatique crise sanitaire provoquée par la bactérie Escherichia Coli de typeO104:H4, qui a frappé la région de Hambourg, au nord de l’Allemagne, apporte d’ores et déjà son lot d’enseignements. Tout d’abord, elle rappelle que c’est bien le risque naturel microbien qui demeure le principal danger sanitaire – quoi qu’en pensent les pourfendeurs de la chimie et des pesticides. L’intoxication allemande via des graines germées bio (lentilles, soja et petits pois) a en effet provoqué le décès de plus de 35 personnes et entraîné près de 1 000 cas de syndrome hémolytique et urémique (SHU). Certains de ces malades auront des séquelles à vie, notamment des insuffisances rénales.
Deuxième enseignement : le meilleur remède contre ces bactéries tueuses consiste à maintenir un très haut niveau d’hygiène afin d’éviter toute transmission bactérienne entre matières fécales – qui abritent ce type de germes pathogènes – et la chaîne alimentaire. Bien entendu, ceci est valable pour toutes les filières alimentaires, mais c’est plus particulièrement vrai pour les éleveurs en prise directe avec les animaux et les agriculteurs qui utilisent des composts d’origine animale. Évacuer le problème en affirmant qu’« en agriculture biologique, il n’est pas possible d’avoir une telle infection », comme l’a fait le président de la Fnab, Dominique Marion, n’est tout simplement pas une attitude responsable. Plus sérieusement, Paul Hunter, professeur de santé publique à l’Université d’East Anglia (Grande-Bretagne), considère que « l’agriculture biologique, avec tout ce qu’elle entraîne en termes de non usage de produits chimiques et de fertilisants de synthèse, comporte un risque supplémentaire». Certes, le compostage est censé tuer les bactéries, mais encore faut-il qu’il soit effectué correctement, ce qui n’est pas toujours le cas. Comme l’a démontré une étude de l’Université du Minnesota publiée dans le Journal of Food Protection en 2004, le risque de contamination par Escherichia Coli est six fois supérieur en agriculture bio qu’en agriculture traditionnelle.
Troisième leçon : la crise a réveillé de bien sinistres réflexes xénophobes.
« Le concombre espagnol a moins d’amis que DSK », ironise la chroniqueuse Isabelle Talès dans Le Monde. Avant même que la preuve de sa culpabilité n’ait été apportée, la cucurbitacée ibérique « présumée innocente » était en effet déjà devenue « tueuse » dans la quasi totalité de la presse ! Dans la foulée, c’est l’ensemble de la production espagnole qui a été mise au banc des accusés, tandis que certains responsables agricoles français et allemands tenaient des propos particulièrement malplacés sur la différence entre nos méthodes de production, censées être « plus propres », et celles de nos voisins du sud. Quelle indécence ! Quel manque de solidarité avec les producteurs andalous, qui vivaient au même moment un véritable cauchemar. Et surtout quelle erreur de jugement, puisque preuve est désormais faite que l’origine de la contamination était plus proche de Hambourg que de Malaga. Enfin, la gestion de la crise a été calamiteuse, avec d’une part des responsables politiques régionaux parlant à tort et à travers avant même de disposer de solides éléments de preuve, et d’autre part des autorités sanitaires qui, au départ, ont travaillé sans la rigueur qu’on était en droit d’exiger d’elles. Reprendre une enquête à zéro plus de dix jours après la première alerte témoigne d’un dysfonctionnement indiscutable. C’est donc bien une réforme du système de veille sanitaire qui s’impose. Il conviendrait ainsi de doter l’Europe d’une cellule de crise indépendante des États-membres et capable de se soustraire aux enjeux politiques nationaux et régionaux.