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OGM… et alors ?

 D’un point de vue strictement linguistique, la Confédération paysanne a raison: les variétés issues de la mutagenèse sont des plantes génétiquement modifiées. La Directive européenne 2001/18classe d’ailleurs dans la catégorie des PGM «tout organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou recombinaison naturelle» . Mais il est également vrai que les articles 2 et 3 de cette même directive excluent de son champ d’application la fécondation in vitro, l’induction polyploïde, la mutagenèse et la fusion cellulaire. C’est pourquoi, du point de vue du droit européen, la Confédération paysanne a tort.

Bien entendu, ces exclusions ne sont pas le résultat du lobbying «des grands groupes financiers, [qui auraient] dirigé la plume du législateur», comme le prétendent les éternels adeptes de la théorie du complot. La raison en est beaucoup plus simple : les variétés de plantes obtenues par ces méthodes exclues de la directive sont légion dans nos campagnes et dans nos assiettes, et ce depuis des décennies. En ce qui concerne les plantes issues de la mutagenèse, plus de 2 500 variétés ont été recensées. Ces plantes sont même autorisées – et utilisées– en agriculture biologique. Comme le souligne le Dr Graham Scoles, du département des Sciences végétales de l’Université de Saskatchewan (Canada), «établir une liste des variétés de plantes améliorées par mutagenèse reviendrait, à quelques exceptions près, à établir une liste de toutes les variétés de plantes cultivées dans le monde ». Ce qui n’empêche pas leur génome d’avoir été modifié artificiellement par la main de l’homme.

Or, le législateur européen a voulu différencier la sélection classique, dans laquelle il a naturellement inclu la mutagenèse, des méthodes plus récentes de la biotechnologie, et notamment de la transgenèse, afin de leur imposer un cadre législatif beaucoup plus exigeant que pour toute autre forme de sélection variétale. Aujourd’hui, la Conf’ – et surtout son aile radicale, qui ne jure que par la sélection massale et les semences de ferme – tente de faire pression sur le législateur européen afin qu’il modifie cette directive dans le but d’y inclure la mutagenèse. S’il obtient gain de cause, le syndicat exigera en toute logique un même changement pour les techniques de fécondation in vitro, l’induction polyploïde, la fusion cellulaire… et pourquoi pas l’hybridation?

Tout ceci est parfaitement ridicule! D’autant plus qu’en suivant cette logique, on sonnerait le glas des petits et moyens semenciers français, qui ne disposent pas d’une surface financière suffisamment solide pour déposer des dossiers d’autorisation dans le cadre de cette directive très contraignante. In fine, ils seraient privés de leurs outils de travail, et les agriculteurs, de variétés modernes et performantes. Paradoxalement, seules quelques grandes multinationales sortiraient gagnantes d’un tel changement.

Ne serait-il pas plus raisonnable d’arrêter de soumettre les variétés issues de la transgenèse à une législation particulière? Avec le recul, on sait aujourd’hui que ces techniques sont de loin les plus précises, et surtout, que ce sont celles qui modifient le moins le génome. Mais encore faudrait-il oser tenir un discours de vérité aux consommateurs, c’est-à-dire leur expliquer que depuis des décennies, leurs assiettes sont remplies de divers organismes génétiquement modifiés; et ce, sans que cela n’ait jamais posé le moindre problème sanitaire.

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