Cela fait exactement quarante ans que le Club de Rome, ce groupe de réflexion d’économistes et de fonctionnaires fondé par Aurelio Peccei, a publié son fameux rapport Halte à la croissance ?. Critique apocalyptique dirigée contre la société de consommation, cet organisme dénonçait les méfaits supposés du développement économique et industriel, insistant surtout sur les limites des matières premières. Un volet entier était consacré à l’environnement, censé être mis en péril par l’insoutenable croissance démographique.
Depuis, la population mondiale a presque doublé (7milliards d’individus en 2012 contre 3,8 milliards en 1972), avec une espérance de vie à la naissance qui a, elle aussi, augmenté (68ans en moyenne en 2009 contre 58 en 1972). Cette amélioration concerne l’ensemble de la population mondiale, y compris les régions les plus pauvres. Ainsi, l’espérance de vie d’un Africain, qui était de 46 ans en 1972, est passée à 57 ans en 2009. Toujours en 1972, moins de 3 milliards de personnes avaient accès à une source d’eau traitée, contre 5,5 milliards en 2008. Ce qui signifie que 85% de la population mondiale ont accès à l’eau potable, contre 78% en 1972. Il y a quarante ans, le monde disposait de 1258millions de tonnes de céréales. Depuis, la production mondiale a doublé (2432Mt). Et cela sans que les surfaces agricoles cultivées aient augmenté.
Sur le plan économique, le produit intérieur brut par habitant (PIB) est passé à 6 895 dollars en 2010, contre 4 011 dollars en 1972. Certes, les disparités entre pays restent honteusement significatives. Toutefois, en Afrique, le PIB a presque doublé depuis quarante ans (passant de 631 à 1156 dollars/habitant). La pauvreté dans nos pays comme dans les pays du Sud est la conséquence de choix politiques, et certainement pas des limites de Mère Nature. Bref, depuis la publication du rapport du Club de Rome, nous sommes plus nombreux, nous jouissons d’une plus longue espérance de vie et d’un meilleur niveau de confort.
En outre, il nous reste davantage de réserves énergétiques connues qu’en 1972! À cette époque, le Club de Rome était persuadé que l’humanité ne disposait que de 20 années de réserves de pétrole et de 22 années de réserves de gaz naturel. Aujourd’hui, on estime que les réserves connues de pétrole pourront couvrir les besoins des quarante prochaines années, et celles de gaz naturel, des soixante prochaines années au moins. Le «manque de terre cultivable [censé se faire] désespérément sentir avant même l’an 2000 » n’a pas eu lieu. Ni l’épuisement des réserves de zinc, d’argent, d’or, d’étain et de mercure, également prévu pour la fin du siècle précédent par les auteurs du rapport.
On comprend qu’aujourd’hui, rares soient ceux qui se réfèrent encore aux conclusions catastrophistes du Club de Rome. Le journaliste écolo Hervé Kempf fait partie de ces exceptions. Dans sa chronique au quotidien Le Monde, il déplore que l’un des co-auteurs du rapport, Dennis Meadows, refuse sa réédition. «Sa lecture n’en est pas moins passionnante», écrit Hervé Kempf, pour qui «la situation qu’il décrit est plus d’actualité que jamais, compte-tenu de la dégradation très rapide de la situation écologique globale ». La fin du monde n’ayant toujours pas eu lieu, le discours reste inchangé: l’apocalypse est pour demain…