Publié le 20 mars 2012 par l’UFC- QueChoisir, l’article Qualité de l’eau potable en France : “(E)au secours ?” constitue un parfait exemple de « marronnier journalistique », cette pratique qui consiste à reprendre les mêmes thèmes, avec plus ou moins d’originalité, et à les traiter de manière simpliste et attendue.
Haro sur l’agriculture !
Au fil des pages, on retrouve les accusations classiques contre l’agriculture, censée être la principale responsable de la pollution de l’eau. «69% des pollutions seraient d’origines agricoles (pesticides, nitrates, sélénium) », loin devant les pollutions dues à des défauts de traitement de l’eau (27%) et à la radioactivité naturelle (4%), selon l’article.
Pour enfoncer le clou, QueChoisir oppose la qualité de l’eau distribuée dans les zones urbaines, «globalement bonne», et celle distribuée dans les villes de taille moyenne, où «quasiment aucune pollution» ne serait relevée, à celle de l’eau disponible dans les petites communes situées en zones rurales. Ce serait principalement dans ces «communes de la taille d’un village» que l’on retrouverait des analyses non conformes.
Après le mythe de l’abeille mieux logée en ville qu’à la campagne, voilà donc le mythe de l’eau meilleure à Paris ou à Toulouse qu’au fin fond de la Corrèze…
Faux chiffres
L’UFC-QueChoisir tente de dresser les citadins contre les agriculteurs en affirmant que si ce sont ces derniers qui polluent, ce sont les premiers qui paient la facture. «Les pollutions agricoles génèrent sur la facture d’eau des dépenses supplémentaires annuelles au minimum comprises entre 640 et 1140 millions d’euros, soit de 7% à 12% de la facture d’eau des ménages français», notent les auteurs de l’article, qui reprennent les conclusions d’une étude réalisée par Olivier Bommelaer et Jérémy Devaux, deux fonctionnaires du ministère de l’Écologie.
Dommage qu’ils n’aient pas pris le temps de vérifier les calculs à l’origine de ces chiffres! Car ceux-ci sont basés sur des données totalement imaginaires. Qu’importe! Tout est bon pour faire passer le message, à savoir que seuls les modes de production s’inspirant des approches de l’agriculture biologique et intégrée devraient profiter des aides financières de la PAC. Voilà qui a le mérite d’être clair…
En parallèle, QueChoisir choisit d’omettre quelques vérités «dérangeantes», notamment celles qui concernent les efforts réalisés par la profession agricole. Pourtant, les chiffres en témoignent: d’année en année, les rapports sur la qualité de l’eau de consommation soulignent les incontestables progrès réalisés. Alors que 91 % de l’eau étaient conformes en 2003, 97,5% l’étaient en 2009. Dans certaines régions, comme en Poitou-Charentes, l’eau non conforme concernait 24% des habitants en 2001, contre 2% en 2010. Pour la Mayenne, les chiffres sont passés de 23,3% à seulement 0,7 % pour la même période. À moins d’être aveugle, il est difficile de com- prendre comment QueChoisir peut faire état d’un «contexte de forte dégradation des ressources en eau»!
Silence sur les médicaments
Pire, l’article fait l’impasse sur les résidus de médicaments, autrement plus problématiques que les nitrates dans l’eau qui, aux seuils analysés, ne présentent aucun risque sanitaire. Il y a tout juste un an, QueChoisir se félicitait même qu’une étude «somme toute plutôt rassurante» de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) retrouvait des médicaments dans «seulement» 25% des échantillons d’eau traitée, 30% des eaux souterraines et 65% des eaux superficielles. Ces résidus de médicaments « sont 1 000 à 1 million de fois inférieurs aux doses utilisées dans le cadre des doses thérapeutiques», rassurait l’Union fédérale des consommateurs.
Il est vrai que s’attaquer au lobby pharmaceutique exige une dose de courage beaucoup plus considérable que celle nécessaire pour s’en prendre au monde agricole…