AccueilDécryptageConflit d’intérêts : ce que ne nous dit pas Madame Lepage

Conflit d’intérêts : ce que ne nous dit pas Madame Lepage

« Signaux précoces, leçons tardives », le récent rapport de l’Agence européenne de l’environnement (AEE), a été applaudi par la présidente d’honneur du CRIIGEN et députée européenne Corinne Lepage. Le 23 janvier 2013, elle a accueilli au Parlement européen la directrice exécutive de l’AEE, Jacqueline McGlade. Soulignant que le rapport « montrait très clairement les dysfonctionnements extrêmement graves, souvent liés à des conflits d’intérêts », elle a déclaré que « nos concitoyens pouvaient avoir confiance dans une Europe qui se dote d’agences de la qualité de celle de l’Agence européenne de l’environnement ».

La publication du rapport de l’AEE, ce même 23 janvier, a été largement couverte par les médias français. La France Agricole relève que les auteurs du rapport « n’ont pas hésité à aborder les cas de minimisation des risques par les scientifiques sous la pression de groupes d’intérêts, ou encore des entreprises privilégiant les profits à court terme ». Et de relater les termes alarmistes de la directrice de l’AEE, selon qui « il y a quelque chose de profondément mauvais dans la façon dont nous vivons aujourd’hui ». De leur côté, les journalistes du Monde Paul Benkimoun et Stéphane Foucart ont titré de manière radicale : « L’Europe admet les failles de sa sécurité sanitaire ».

AEE et Earthwatch

En revanche, les deux journalistes n’ont pas rappelé les conflits d’intérêts qui concernent l’AEE, et en particulier Jacqueline McGlade. Alors que la rédaction du Monde est d’ordinaire friande de ce genre de sujets, elle semble les oublier dès lors qu’ils touchent à la sphère écologiste. Pourtant, l’affaire est d’autant plus sérieuse qu’elle a été révélée par la Commission du contrôle budgétaire du Parlement européen. Dans non moins de deux rapports, celle-ci s’étonne que « la directrice exécutive de l’Agence [ait] été administratrice et membre du conseil d’administration international de Earthwatch, une organisation de défense de l’environnement ». Pire, le Parlement accuse l’AEE d’avoir « versé plus de 30000 euros de fonds publics européens à l’ONG Earthwatch pour des “séances de formation du personnel” dans les Caraïbes et en Méditerranée ». Vingt-neuf membres du personnel de l’Agence, y compris la directrice exécutive, se sont rendus « en mission de recherche jusqu’à dix jours sur différents chantiers liés à la biodiversité dans les Caraïbes ou la Méditerranée ». Ce type de dépenses « devra à l’avenir faire l’objet d’une approbation ex ante du conseil d’administration, sur la base d’une évaluation appropriée des coûts et des avantages », note la Commission parlementaire.

Le Worldwatch Institute

Et les accusations ne s’arrêtent pas là. Toujours selon le Parlement européen, l’AEE entretient des liens très particuliers avec une autre ONG écologiste : le Worldwatch Institute Europe. Cette ONG a en effet utilisé les bureaux de l’agence « comme si c’étaient les siens, sans verser de loyer à l’agence, faisant ainsi usage de locaux financés par le budget de l’Union ». La directrice exécutive s’est défendue en expliquant que « lorsque l’AEE a appris que le Worldwatch Institute Europe avait publié sur son propre site web qu’un bureau européen avait été établi dans les locaux de l’agence, des mesures ont été prises immédiatement ». Sauf que Mme McGlade faisait partie des intervenants lors du lancement du Worldwatch Institute Europe dans les locaux de l’AEE le 25 février 2011…

Suite à ces cruelles révélations, Jacqueline McGlade a dû renoncer à se représenter à la tête de l’AEE, dont elle quittera la direction en mai 2013. Cela suffira-t-il à « assainir » l’agence ? Ce n’est pas certain. Car le cas de Mme McGlade n’est pas le seul exemple de promiscuité indécente avec la mouvance écologiste. Ainsi, Aphrodite Mourelatou, responsable du Groupe qualité de l’air, bruit et transport à l’AEE, a travaillé dans les années 1990 « comme conseillère politique sur les questions européennes et le changement climatique à Greenpeace International ».

Et ce n’est pas tout. David Gee, conseiller principal pour la science, la politique et les questions émergentes de l’AEE, par ailleurs initiateur du projet « Signaux précoces, leçons tardives », a été le directeur de la branche britannique des Amis de la Terre entre 1990 et 1992, avant de rejoindre l’AEE en 1995. Ce même David Gee a participé les 11 et 12 décembre 2008 à une réunion de travail à Berlin (financée par la Fondation Sciences Citoyennes et la Fondation pour le Progrès de l’Homme) afin de mettre en place le Réseau européen de scientifiques pour une responsabilité sociale et environnementale (ENSSER). Ce réseau est dirigé par Angelika Hilbeck et Christian Vélot, tous deux membres du comité scientifique du CRIIGEN de Corinne Lepage! On comprend mieux pourquoi l’avocate française se montre aussi reconnaissante envers l’AEE et ses travaux…

Enfin, le Belge Hans Bruyninckx, désigné pour prendre la direction de l’AEE, préside depuis 2004 l’association Bond Beter Leefmilieu, la principale fédération d’ONG écologistes en Flandres, qui comprend 140 associations (dont Friends of the Earth, Greenpeace Belgium, WWF Flandres, etc.).

Autant dire qu’avant d’en finir avec les conflits d’intérêts de l’écolosphère, il reste encore du chemin à parcourir…

Sources :
www.mouvement-europeen.eu/?p=6754 www.lalibre.be/archives/divers/ article/728846/du-vert-qui-coute-cher.html
www.europarl.europa.eu/sides/getDoc. do?type=IM-PRESS&reference=20120327IPR41 993&format=XML&language=FR
http://eceri-institute.org/fr/son-conseil-scienti- fique_14.html

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