Lors de sa présentation de la loi d’avenir agricole, le 17 septembre dernier, Stéphane Le Foll a indiqué souhaiter que ses services se désengagent de la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM). Cette attribution pourtant historique du ministère de l’Agriculture serait ainsi transférée à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), déjà en charge de l’évaluation des risques pour les produits phytosanitaires.
Officiellement, le ministre évoque des «gains d’efficacité nécessaires dans le traitement des dossiers». Un audit sur le sujet a été rendu par Hervé Gillet, membre du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), et François Signoles, inspecteur général de l’agriculture. Or, les travaux de ces deux experts aboutissent à une conclusion située aux antipodes de celle de Stéphane Le Foll: ils préconisent le statu quo. Raison pour laquelle leur rapport a été enterré, et les quelques exemplaires en circulation, devenus soudainement introuvables. Bien entendu, la presse n’a jamais obtenu de copie de ce très embarrassant rapport. Ni d’ailleurs les organisations professionnelles, qui l’ont pourtant demandé. Ni vu, ni connu, le ministre –ou plutôt le directeur de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), Patrick Dehaumont– pense ainsi pouvoir ignorer les recommandations de ses propres experts.
En réalité, l’objectif du directeur de la DGAL est tout autre que celui affiché : il s’agit de décharger le ministre de la responsabilité consistant à devoir signer l’homologation de futurs pesticides. Une tâche ingrate et considérée comme politiquement risquée ! En outre, cette dérobade s’inscrit parfaitement dans le combat insidieux que mènent Stéphane Le Foll et ses amis écologistes contre les pesticides. Le transfert de compétences de la DGAL à l’Anses est d’ailleurs une revendication forte de Générations Futures. D’une part, il met un terme à la séparation entre l’évaluateur et le gestionnaire du risque. D’autre part, il signe la fin du concept de balance risques/bénéfices, élément indispensable à toute évaluation rationnelle. Comme l’a confirmé le directeur général de l’Anses, Marc Mortureux, dans un entretien accordé à A&E, l’agence de sécurité sanitaire procède en effet à une analyse particulièrement approfondie des risques, mais elle ne dispose d’aucun moyen réel pour établir un travail similaire sur les bénéfices. «Très clairement, aujourd’hui, cela ne fait pas partie de notre mission», a-t-il reconnu.
Si le projet de Stéphane Le Foll se concrétise, les bénéfices économiques, techniques, voire sanitaires, de toute nouvelle molécule ou solution pour l’agriculture, ne seront donc plus pris en compte à leur juste valeur. Certes, le ministre a d’ores et déjà annoncé vouloir conserver une marge de manœuvre. Mais c’est pour mieux prendre des mesures encore plus restrictives, et non pour faciliter le travail des agriculteurs ! Dans ces conditions, qui peut encore croire Stéphane Le Foll quand il prétend être aux côtés des producteurs ?