Le 2 septembre dernier, une soixantaine de militants anti-OGM ont traversé la France entière pour se retrouver en Lorraine. Objectif : effectuer leur désormais annuelle «inspection citoyenne», désignation politiquement correcte de ce qui n’est rien d’autre qu’une «prise en otage de locaux». Située à Lemud, en Moselle, la coopérative Lorca a été la victime du cru 2013. Son «délit» : avoir laissé l’un de ses techniciens expliquer dans la revue agricole Réussir que la technologie Clearfield permet aux agriculteurs de mieux raisonner le désherbage, et donc de répondre aux objectifs d’Écophyto.
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Une perquisition ratée
Ces «agriculteurs, médecins, salariés, parents et citoyens, dont certains ont fait plus de 1000 km, étaient à la recherche de traces de 4 variétés de colza muté, tolérantes à des herbicides», explique Florence Grandon, journaliste de France 3 Lorraine. Peine perdue ! Les activistes n’ont rien trouvé. En effet, n’importe quel agriculteur sait qu’à cette époque de l’année, les semences de colza sont plutôt dans les fermes, voire dans la terre.
En réalité, l’objectif de cette action n’a rien à voir avec la recherche de graines. Elle répond à un objectif beaucoup plus banal : faire «le buzz» autour du mouvement des Faucheurs Volontaires, au chômage technique depuis le moratoire sur le maïs OGM MON 810, et victime d’une «hémorragie» de militants depuis le départ de leur leader, José Bové, pour Strasbourg.
Des « OGM cachés » dans les magasins Biocoop
Un petit groupe de fanatiques a donc décidé de prendre désormais pour cible des variétés de semences qu’ils baptisent «OGM cachés», au motif qu’elles auraient été obtenues par mutagénèse. Or, comme le rappelle l’expertise scientifique collective CNRS-INRA publiée en 2011, il existe aujourd’hui «plus de 2250 variétés, toutes espèces cultivées confondues, qui seraient directement issues de travaux de mutagénèse, ou auraient intégré dans leur généalogie un parent issu de mutagénèse [Global impact of mutation-derived varieties, Ahloowalia B.S., Maluszynski M., Nichterlein K. Euphytica, 2004.]]». C’est notamment le cas de tous les tournesols oléiques –bio comme conventionnels– cultivés en France, dont la composition des acides gras a été [modifiée par mutagénèse afin d’obtenir un taux d’acide oléique proche de 82% [[http://www.tournesol-tolerant.cetiom.fr/tournesol_oleique.htm]].
Pour trouver ces «OGM cachés», inutile de perquisitionner dans les coopératives ! Il suffit de se rendre dans le premier magasin venu de la chaîne Biocoop, où l’on trouvera des paquets de chips (bio, bien entendu) élaborés avec cette huile de tournesol oléique. Comble du ridicule, l’achat de ces chips sert à financer les actions des Faucheurs Volontaires contre… la mutagénèse !
On comprend que ce combat particulièrement pathétique ne suscite qu’un écho très relatif. En août, les Faucheurs n’ont pu réunir qu’une dizaine d’associations pour co-signer la «lettre ouverte» qu’ils ont adressée à Stéphane Le Foll afin de lui faire part de leur «inquiétude». La réponse du ministre ne s’est pas fait attendre : il a profité de l’occasion pour écarter tout amalgame entre transgénèse et mutagénèse.
L’opération menée contre Lorca n’est donc rien d’autre qu’une réponse au ministre, dont les services ne se pressent plus pour recevoir les Faucheurs. «Ils ont déjà été reçus trois fois : en octobre 2012 au ministère de l’Écologie, et en mars et avril 2013 à l’Agriculture», nous a-t-on indiqué rue de Varenne. Cédant au chantage, le cabinet de Stéphane Le Foll a toutefois accepté de recevoir une nouvelle délégation des activistes anti-OGM fin septembre.
De son côté, la direction de Lorca a organisé le 5 septembre un rendez-vous avec trois responsables des Faucheurs : François Chevallier, agriculteur de la Conf’, Jean-Paul Henry, ancien salarié de la coopérative, et le militant Jean-Marie Mire. Après un échange d’environ une heure, les responsables de Lorca ont clairement fait savoir que ces opérations d’occupation et d’intimidation ne changeraient rien à la poursuite des cultures de colza Clearfield. Ni dans la région, ni à l’échelle nationale. Au contraire, ces actions ne font que susciter l’intérêt grandissant de leurs adhérents et du monde agricole en général.