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L’Inra met les pieds dans le plat bio

Par Gil Rivière-Wekstein

Suite à une demande du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), l’Institut de recherche agronomique a publié une remarquable étude de plus de 300 pages sur l’agriculture biologique. Occasion de dresser un portrait de ce mode de culture beaucoup plus proche de la réalité que ceux déjà brossés par le lobby du bio et ses services de communication.

«L’analyse des performances de l’AB montre que celle-ci souffre d’un handicap de productivité physique», constate l’Inra. Trois raisons expliquent ces moindres performances productives : l’interdiction du recours aux engrais et aux pesticides de synthèse ainsi que les fortes limitations du recours aux produits vétérinaires curatifs; des pratiques de gestion de la fertilisation et de la santé qui ne permettent pas d’assurer une nutrition et une protection sanitaire des cultures et des animaux équivalentes à celles que l’on peut obtenir en agriculture conventionnelle ; des pratiques mises en œuvre souvent ajustées à des objectifs de production moindres.

Certes, le rapport –coordonné par Hervé Guyomard, directeur scientifique de l’Inra– ajoute que «les performances environnementales (consommation des ressources naturelles et protection des biens et services environnementaux) sont plus élevées en AB». Mais seulement lorsqu’elles «sont mesurées par hectare», précise-t-il aussitôt. «L’écart se réduit, voire s’inverse, quand ces performances environnementales sont mesurées par unité de produit, du fait des performances agronomiques et zootechniques plus faibles en AB qu’en AC», soulignent les auteurs du rapport.

Même constat très mitigé en ce qui concerne le caractère «sociétal» de l’AB. «Les performances sociales de l’AB sont globalement positives (contribution positive à l’emploi agricole et au développement des territoires ruraux, plaisir du métier d’agriculteur retrouvé, développement des relations de proximité avec les consommateurs, etc.). Ces bénéfices sont contrebalancés par des inconvénients (charge de travail supérieure en AB, inégalités sociales d’accès aux produits issus de l’AB du fait de leurs prix plus élevés, etc.)», peut-on lire dans l’étude. Enfin, l’Inra rappelle quelques vérités dérangeantes au sujet des questions sanitaires : «Les qualités nutritionnelles, sanitaires et organoleptiques des produits issus de l’AB et de l’AC n’apparaissent pas significativement différentes». Au final, les auteurs du rapport estiment «peu probable que les consommateurs de ces produits en tirent un bénéfice significatif en termes de santé, toutes choses égales par ailleurs et en particulier pour des compositions de paniers alimentaires et des modes de vie inchangés». Voilà qui a le mérite d’être clair !

Curieusement, ce rapport a été totalement occulté par la presse. Y compris la presse agricole, qui l’a complètement ignoré. En revanche, ce crime de lèse-majesté commis par l’Inra envers le lobby du bio a suscité «perplexité et malaise» au sein du syndicat Sud-Recherche, qui accuse l’institut agronomique de vouloir «officiellement la disparition de l’agriculture biologique».

Soyons sérieux ! Qui voudrait faire disparaître un mode de culture qui occupe moins de 5% des surfaces agricoles?

Gil Rivière-Wekstein

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