François Hollande est diplômé d’HEC et ancien élève de l’ENA. Mais il n’est pas polytechnicien. C’est peut-être ce qui explique qu’il ait de tels problèmes avec les chiffres. Piégé par sa promesse d’inverser ceux du chômage avant la fin de l’année 2013, le président de la République a été forcé de déployer une sémantique rocambolesque afin de transformer un échec retentissant en un semblant de victoire.
Bien qu’ancien professeur d’économie au lycée agricole de Rouillon (Sarthe), Stéphane Le Foll paraît, lui aussi, avoir quelques soucis avec les chiffres. Tout d’abord ceux du revenu des agriculteurs. En 2012, le service statistiques du ministère de l’Agriculture (Agreste) avait anticipé un revenu moyen avant impôts de 72800 euros pour les céréaliers, contre seulement 17100 euros pour les éleveurs bovins. Afin de justifier une redistribution des soutiens de la PAC vers ces derniers, le ministre de l’Agriculture s’est appuyé sur ces chiffres. Il a ainsi décidé de ponctionner un milliard d’euros du revenu des céréaliers pour l’attribuer aux éleveurs. Sauf que les chiffres définitifs publiés le 12 décembre 2013 font ressortir un revenu moyen de 56700 euros pour les céréaliers, et de 21500 euros pour les éleveurs bovins. Soit 22% de moins que prévu pour les premiers et 26% de plus pour les derniers. Ce qui réduit considérablement l’écart ! Au final, Pierre n’est donc pas aussi richissime, et Paul, pas aussi misérable, que ne l’annonçait Agreste. La réaction du président de la FNSEA, Xavier Beulin, ne s’est pas fait attendre. «Ce n’est pas normal que nous ayons, tout au long de cette négociation sur la PAC, travaillé sur des chiffres qui étaient erronés. Y a-t-il eu manipulation, y a-t-il eu mauvaise intention, y a-t-il eu tout simplement incompétence des services ?», s’est-il interrogé avec raison.
Puis il y a eu les chiffres d’Écophyto. En baisse, se félicite le service com’ du ministère de l’Agriculture. «Pour la première année, des résultats nettement encourageants ont été relevés puisque l’indicateur d’utilisation des produits phytosanitaires (NODU) enregistre une diminution de 5,7% entre 2011 et 2012», indique le communiqué de presse. À peine publiés, ces chiffres ont été contestés par Générations Futures (GF), qui bénéficie visiblement d’un indic au sein de la Direction générale de l’alimentation (DGAL). Ces résultats seraient « basés sur des données tronquées», croit savoir l’association. Selon Le Monde, qui a récupéré le dossier de GF sans procéder aux vérifications d’usage, les services du ministère se seraient servi des chiffres de la base de données de la Redevance pour pollutions diffuses (RPD), collectés au 30 juin 2013, alors que les chiffres mis à jour en novembre auraient montré une augmentation d’environ 4%. Sauf que GF se trompe de base de données ! En effet, le NODU n’est pas calculé à partir de la RPD, mais à partir des données de vente déclarées dans la Banque nationale des ventes des distributeurs. Ce qui n’empêche que la baisse de 2012, censée démontrer l’efficacité de la politique agricole de Stéphane Le Foll, n’est pas aussi évidente que ne le veut le ministère. En réalité, l’analyse des moyennes entre 2009 et 2012 ne montre aucune diminution, la baisse de 2012 intervenant après une forte hausse l’année précédente… Moralité : cette stabilité démontre que le monde agricole n’a pas attendu l’agroécologie de Stéphane Le Foll pour gérer au mieux l’usage de ces produits indispensables à la protection de leurs cultures. Tout le reste, c’est de la com’ !