Après les biotechnologies végétales, de très nombreux pesticides sont maintenant sur la sellette. Tout d’abord, ceux de la famille des néonicotinoïdes, désormais baptisés « tueurs d’abeilles », mais aussi le très symbolique glyphosate, qui ne se remettra jamais d’avoir été inventé par le « satanique » Monsanto, ou le plus discret diméthoate, interdit en France depuis le 1er février 2016, au grand désespoir des producteurs de cerises, d’endives et d’olives. Petit-à-petit, la palette des produits de protection des plantes disponibles pour le monde agricole se rétrécit en raison des campagnes permanentes –et très performantes– menées par divers organismes, y compris l’INRA. En effet, l’institut de recherche n’a pas hésité à publier une surprenante étude sur les prétendues « externalités cachées » des pesticides, calculées à partir d’un maladroit bricolage de chiffres –pour reprendre une expression chère à la militante antipesticides Marie-Monique Robin.
En réalité, nous sommes en présence d’une véritable guerre de communication. D’un côté, quelques associations, pas vraiment très nombreuses, mais qui possèdent de multiples relais (dans les médias, la communauté scientifique, l’administration et au sein des pouvoirs politiques). Et de l’autre, les entreprises et leurs clients, c’est-à-dire les agriculteurs, mais aussi des scientifiques et des responsables politiques. Le clivage n’est plus droite-gauche, ni moderne-ancien : il est devenu une question d’intime conviction, ainsi que de courage politique devant une opinion qui, à force de reportages à charge, se trouve difficilement en mesure de séparer le bon grain de l’ivraie.
Ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale, la triste nuit du 17 au 18 mars 2016, en est une parfaite illustration. Pour les productions végétales (fruits, légumes mais aussi grandes cultures), l’enjeu était majeur. Porté par des frondeurs écolo-socialistes, un amendement proposant l’interdiction totale de toutes les formulations à base de néonicotinoïdes a été soumis au vote des députés. Le gouvernement s’y était formellement opposé, et l’avait fait savoir. Du côté de l’opposition, aucune consigne n’avait été donnée, le sujet étant politiquement trop sensible. Unie pour défendre ces produits, la profession s’était fortement mobilisée, et de nombreux responsables politiques, de gauche comme de droite, s’étaient engagés à faire barrage à cet amendement. Y compris le député PS et fidèle compagnon de Stéphane Le Foll Dominique Potier, très à l’écoute de la profession. Or, lors du vote, seuls 59 députés sur 577 étaient présents (34 pour le PS et 13 pour les Républicains). Et l’absence étonnante de 12 députés agriculteurs qui utilisent ces produits a suffi pour que l’amendement soit adopté (à 30 voix contre 28). Comble du ridicule, Maina Sage (UDI) a voté en faveur de l’amendement, pour ensuite faire savoir qu’« elle avait voulu voter contre ». Ce qui aurait porté le vote à 29 contre 29 ! Moralité, le gouvernement n’a pas été en mesure de mobiliser une vingtaine de députés socialistes pour suivre ses consignes, tandis que du côté des Républicains, 182 députés ont préféré ne pas être présents. Cet échec ne peut qu’interpeller. Et il pose la question de savoir si, aujourd’hui, le lobbying classique suffit, ou s’il ne devrait pas être soutenu par des méthodes plus modernes et percutantes.