Selon l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), 74 reportages à charge contre l’industrie agroalimentaire ont été diffusés par les chaînes de télévision en 2014. Un chiffre qui est monté à 86 en 2015, soit un reportage tous les quatre jours ! Et 2016 s’annonce comme un grand cru en la matière. À chaque fois, la présentation des faits témoigne de l’insoutenable légèreté chère aux adeptes de Martine à la ferme. Cash Investigation, la célèbre émission de la présentatrice de France 2 Élise Lucet, est devenue un grand classique du genre.
Comme le note Eddy Fougier, spécialiste des mouvements contestataires, ces émissions s’appuient systématiquement sur deux tendances lourdes dans la société française contemporaine, à savoir la suspicion vis-à-vis des entreprises, et plus particulièrement des plus grandes d’entre elles, et une vision conspirationniste « douce », qui consiste à croire que le pouvoir n’est pas là où il devrait être. Ce pouvoir serait dans les mains des multinationales et de la finance, « qui tirent les ficelles en manipulant les politiques et, au final, les pauvres victimes que sont les consommateurs totalement démunis ». Qu’importe que ce genre d’émissions alimente le « tous-pourris » qui a toujours fait le lit de l’extrême-droite : le public est au rendez-vous !
Face à ce type de reportages, le monde économique et les organisations professionnelles se trouvent confrontés à un cruel dilemme : doivent-ils faire profil bas et laisser passer la tempête, ou réagir au risque d’ajouter de la publicité et donc de l’audience ? « Le dialogue peut coûter cher, mais le mutisme paraît encore plus risqué en termes d’image pour les acteurs économiques », analyse Eddy Fougier. « On peut donc considérer que le monde économique est un peu pris au piège. Dans les deux cas de figure – dialogue ou non – il a plus à perdre qu’à gagner », poursuit-il. Le spécialiste estime que la solution la moins pire reste toutefois celle du dialogue. Mais, ajoute-t-il, celui-ci doit impérativement être combiné à une riposte incisive, par exemple sous la forme d’un rigoureux fact-checking. C’est précisément la stratégie adoptée par l’ANIA face à l’émission de Cash Investigation du 13 septembre, intitulée « Industrie agroalimentaire : business contre santé ».
La veille de sa diffusion, l’ANIA a rendu publiques les remarques de sa directrice générale, Catherine Chapalain, concernant le déroulement de l’entretien accordé à Élise Lucet. Le lendemain, l’association a publié sur les réseaux sociaux et auprès des rédactions un texte signalant douze erreurs commises par l’équipe de la présentatrice-vedette. Même stratégie de la part du Groupe Nestlé, également mis en cause dans l’émission. Plutôt que de fuir le débat, il « s’est assuré le dernier mot via internet », note le mensuel Challenges. Devant ce nouveau risque « social » que constitue le trio ONG – médias – citoyens, l’usage raisonné des réseaux sociaux est devenu une nécessité. « Qu’on le veuille ou pas, qu’on le déplore ou pas, c’est maintenant la nouvelle « norme » pour le monde économique, y compris pour le monde agricole. Il faut désormais en tenir compte et s’y adapter à tout prix », conclut Eddy Fougier. Certains l’ont bien compris…
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