Bis repetita, Complément d’enquête tente de faire un reportage à charge à partir de rien, sinon une succession d’insinuations trompeuses enrobées de procédés de manipulations des plus classiques
Après plusieurs mois de tournage, c’est en plein Salon de l’agriculture que France 2 a diffusé le numéro de Complément d’enquête intitulé « Pour qui roule la FNSEA ? ». Au regard du résultat de l’« enquête », on ne peut qu’avoir la certitude que le script en était écrit d’avance: il s’agissait de présenter la FNSEA comme « un syndicat tout-puissant » et plus encore de participer à la campagne de délégitimation de son président Arnaud Rousseau, au motif qu’il ne serait pas représentatif de sa base.
Une fois de plus, Complément d’enquête pallie l’absence de contenu pertinent par des procédés de manipulations visuelles, audios et rhétoriques tellement éculés qu’ils en deviennent risibles.
Exemple : la visite de l’équipe de tournage au siège de la FNSEA. L’immeuble est filmé en contreplongée, une technique bien connue pour créer un sentiment de puissance de l’objet filmé. Une voix off nous annonce : « C’est dans le 8e arrondissement, à deux pas des ministères qu’on trouve le siège de la FNSEA. Son président, Arnaud Rousseau, a accepté de nous accorder une entrevue. Du bel immeuble de la FNSEA, nous ne verrons que le hall d’entrée (début d’une musique angoissante) et cette pièce à la décoration, disons spartiate. » On l’aura compris : derrière les murs restés inaccessibles à l’équipe de tournage se dissimulerait une richesse insoupçonnée, avec certainement des liens directs donnant accès aux bureaux des ministères qui sont à proximité. Pour un peu, on en oublierait presque que le ministère de l’Agriculture, tout comme Matignon, se trouve… sur l’autre rive de la Seine !
Autre exemple : la visite dans une fédération locale, celle du Gard, d’où Complément d’enquête nous délivre un véritable scoop : la FNSEA offre des services payants à ses adhérents. Bigre ! Voix off : « À Nîmes, treize salariés travaillent à temps plein pour le syndicat. » « Vous, vous n’êtes pas du tout agriculteur », fait ensuite remarquer la journaliste au responsable du service paie. Voix off : « Ce service est destiné aux adhérents de la fédération. Mais attention, ça n’est pas gratuit. En plus des 207 euros de cotisation annuelle, il faut débourser 17,50 euros par fiche de paie. » Était-il vraiment nécessaire que le service public rémunère une boîte de prod’ – en l’occurrence STP Productions – pour obtenir la « révélation » que des agriculteurs font éditer des fiches de paie à un tarif très compétitif ? Ridicule !
Pour le reste, que démontre l’enquête en question si ce n’est que la FNSEA est un syndicat qui utilise les méthodes classiques du syndicalisme, comme la mise en place de différents services aux adhérents, l’organisation de manifestations, la création d’un rapport de force pour obtenir (de temps à autre) gain de cause ? Et que dire du « scoop » sur le lobbying politique de la FNSEA, sinon que toutes les ONG et syndicats font de même en fournissant des amendements clés en main aux responsables politiques ? Complément d’enquête s’offusque aussi que la FNSEA dépense quinze fois plus en lobbying que la Conf’, en omettant toutefois de dire qu’elle a vingt fois plus d’adhérents…
Enfin, concernant les griefs à l’encontre d’Arnaud Rousseau, on frise le « délit de richesse ». Le céréalier de Seine-et-Marne affiche en effet un beau parcours professionnel, et comme souvent dans le monde agricole, il cumule plusieurs casquettes, dont la présidence du groupe Avril, poste pour lequel il est rémunéré. « Peut-on être tour à tour paysan, leader syndical et businessman ? », se demande Complément d’enquête. La réponse est, bien entendu, affirmative. Et c’est précisément parce que l’homme est compétent qu’il a été choisi pour diriger le syndicat, afin de contribuer à écrire le futur de l’agriculture française.
Pour conclure, on laissera le dernier mot au présentateur du magazine Tristan Waleckx, qui déclarait dans le 19/20 info « qu’on était inondé de désinformation, ou plutôt de malinformation ». Malheureusement, avec ce numéro pathétique de Complément d’enquête, le disciple d’Élise Lucet n’a fait que remettre une pièce dans la machine à désinformer.