Fidèle à ses méthodes de collecte de fonds, ciblant toujours une population préalablement conditionnée, Greenpeace a lancé une nouvelle campagne, accusant cette fois-ci les lobbies de la viande et des produits laitiers de « contrôler l’assiette de nos enfants ».
A l’appui de sa stratégie, Greenpeace a publié un pamphlet d’une quarantaine de pages accompagné d’une pétition très largement relayée sur les réseaux sociaux, interpellant les parents ayant « un enfant scolarisé dans une école publique (maternelle ou élémentaire) ». Les parents sont encouragés à signer pour demander au gouvernement d’« introduire deux repas végétariens par semaine à horizon 2020 », d’«augmenter la part du bio dans toute la restauration scolaire » et de « limiter l’influence des lobbies dans les instances de décisions ». D’après la multinationale verte, seul le lobby du bio, l’un des principaux moteurs de la fabrique de la peur, aurait de fait droit de cité…
Avec plus d’un milliard de repas distribués par an, la restauration scolaire concerne près de 7 millions d’élèves. «Tous les jours ou presque, de la viande ou du poisson leur est servi», constate Greenpeace, déplorant les « conséquences désastreuses sur notre environnement et sur le climat » de cette prétendue «surconsommation de viande». Celle-ci affecterait « fortement les éleveurs français qui produisent localement de la viande de qualité ». Mais le pire est à venir: « La surconsommation de viande et de produits laitiers a des effets néfastes sur la santé et conduit à des problèmes de surpoids et d’obésité chez les enfants [sic]. Les scientifiques sont unanimes [resic]: il faut réduire notre consommation de protéines animales et consommer plus de légumineuses. »
Ce que disent les experts
Bien entendu, ces propos ne sont jamais étayés par les scientifiques, aucune étude n’ayant établi à l’heure actuelle de lien entre surpoids, obésité et consommation de viande. En revanche, la communauté scientifique affirme de manière unanime que la viande rouge reste le meilleur moyen de garantir l’apport nécessaire non seulement en fer, mais aussi en zinc, molécule jouant un rôle important dans les mécanismes de défenses immunitaires contre les infections, ou encore en sélénium, un antioxydant qui protège du vieillissement (neurodégénérescence, athérosclérose). Les chercheurs affirment également l’importance de la viande rouge dans l’apport de vitamines du groupe B et de protéines d’excellentes qualités qui libèrent, pendant la digestion, tous les acides aminés essentiels, contrairement aux protéines végétales carencées en un ou plusieurs acides aminés indispensables. « En réalité, sur le plan nutritionnel, l’apport actuel de viande est signicativement insuffisant, en particulier pour les adolescents », constate le Dr Jean-Louis Thillier, spécialiste en nutrition humaine.
« Dans ma famille, nous sommes cinq. Deux d’entre nous sont végétariens. Les trois autres, dont moi, ne mangent plus de la viande qu’une fois par semaine. Chacun son chemin », a indiqué Nicolas Hulot
Pourtant, le discours de Greenpeace, en parfaite harmonie avec la pensée dominante, est relayé par le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, qui se félicite d’avoir divisé sa consommation de viande par quatre. « Dans ma famille, nous sommes cinq. Deux d’entre nous sont végétariens. Les trois autres, dont moi, ne mangent plus de la viande qu’une fois par semaine. Chacun son chemin », a-t-il indiqué. D’où son souhait d’instaurer dans les cantines scolaires un menu végétarien « un jour par semaine ». Une idée considérée comme « bizarre » par l’ancien ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, tandis que son successeur, Stéphane Travert, dénonce le retour à « l’écologie punitive ». « Bientôt, on va nous demander des menus vegan tous les jours, ou vouloir nous imposer des tomates farcies au printemps », ironise le locataire de la rue de Varenne. En effet, pour Greenpeace, un menu végétarien par semaine ne suffit pas : il en faudrait deux. C’est-à-dire en réalité un jour sur deux.
Une présentation surprenante
Pour asseoir son propos, la multinationale procède à une présentation très surprenante du régime alimentaire des adolescents. Se focalisant uniquement sur les 4 à 5 repas de la semaine consommés dans les cantines scolaires par la plupart des élèves scolarisés, Greenpeace conclut, sans apporter le début d’une preuve, à une « surconsommation » de viande. L’intégralité de son argumentaire repose sur la comparaison entre les recommandations formulées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur le déjeuner, considérées comme objectives, et celles du lobby de l’agro-alimentaire, censé avoir infiltré le Groupe d’étude des marchés de restauration collective et de nutrition (GEM-RCN), à l’origine des recommandations nutritionnelles en viande et en produits laitiers.
En réalité, particulièrement pour les milieux sociaux défavorisés, le repas pris à la cantine reste souvent le seul repas complet de la journée, contenant de la viande, des légumes, des fruits et des produits laitiers. Quand bien même un maximum de ces cinq repas hebdomadaires entraînerait l’éventualité d’un excès de protéines, cela ne constitue en aucun cas une menace pour la santé des enfants scolarisés. En revanche, comme le reconnaît Greenpeace, c’est bien « grâce à ces recommandations [celles du lobby de l’agro-alimentaire!] par exemple que les aliments très gras et très sucrés sont limités en fréquence ».
Outre l’excès d’aliments très gras et très sucrés, qui fait déjà l’objet de campagnes de prévention, le problème soulevé par le corps médical porte davantage sur les carences. En particulier celle du fer chez les adolescents. Bien que la plupart des études en ce sens soient anciennes, une mise à jour des données publiée en mai 2017 par le Dr Christophe Dupont du Service d’explorations fonctionnelles digestives de l’hôpital Necker-Enfants, indique des taux de prévalences pour la déplétion martiale (diminution isolée de la ferritinémie) de 7 à 18% chez les nourrissons et jeunes enfants, et de 24 à 36% chez les adolescents. Les taux d’anémie par carence martiale observés (diminution de la ferritinémie associée à une baisse de l’hémoglobinémie) sont respectivement de 2 à 8,5% et 7 à10%.
« La couverture des besoins en fer est moins facile à réaliser qu’on peut le croire. En France, des études récentes ont confirmé ce problème : pour une partie importante de la population, les apports en fer sont insuffisants car la concentration en fer de la ration alimentaire est trop faible. Même dans un pays d’abondance comme la France, il existe donc des problèmes d’anémie liés à des carences alimentaires », constate le Dr Béatrice Sénemaud.
La campagne de Greenpeace, qui souhaite imposer deux repas par semaine sans viande et sans distinction de catégorie sociale, au motif que la prétendue « surconsommation » de ces produits entraînerait « entre autres surpoids et obésité », n’a donc aucun sens. Sinon celui de remplir les caisses de la multinationale verte…