Le 8 août dernier, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a interdit à l’État de Californie de continuer à apposer sur les étiquettes des produits contenant du glyphosate toute allégation concernant un prétendu caractère cancérigène, estimant que cette information était « fausse et trompeuse pour les consommateurs ». En 2017, l’État de Californie avait en effet rendu cette mention obligatoire pour les fabricants de l’herbicide controversé. « Il est irresponsable d’exiger des étiquettes inexactes sur les produits », a souligné l’administrateur de l’agence environnementale, Andrew Wheeler. L’EPA en a profité pour rappeler que, selon elle, il n’existe aucun risque pour la santé publique et pour l’environnement dès lors que ce produit est « utilisé conformément à son étiquette », une conclusion partagée par l’ensemble des agences sanitaires en charge de la mise sur le marché des pesticides.
Quel contraste avec l’emballement qu’a provoqué l’annulation de l’arrêté illégal pris le 18 mai dernier par Daniel Cueff, le maire écolo de Langouët, dans le département d’Ille-et-Vilaine, interdisant l’utilisation de pesticides à moins de 150 mètres des habitations ! Dès sa sortie du tribunal, Daniel Cueff est apparu comme le chevalier blanc des temps modernes. « Dans quelques années, il sera reconnu comme un héros », a immédiatement réagi Corinne Lepage, tandis que Yannick Jadot, député européen écologiste, a renchéri sur Twitter en accusant « l’État et sa préfète de préférer s’acharner sur un maire responsable ». Pour sa part, le chef de l’État a déclaré soutenir le maire « dans ses intentions », même si « la solution n’est pas de prendre un arrêté qui n’est pas conforme à la loi » mais plutôt « de mobiliser pour changer la loi ». Depuis lors, les arrêtés anti-pesticides se multiplient, tel celui de Béatrice de François, maire PS de Parempuyre, une commune proche de Bordeaux, qui a remporté la palme du ridicule en excluant dans le sien les pesticides autorisés en agriculture bio.
Ce mouvement est doublement dangereux. D’abord, parce qu’il sous-entend que l’État ne prend pas ses responsabilités pour protéger la santé de ses citoyens. Plus précisément, il suggère que l’Anses autoriserait l’usage de produits dans des conditions qui mettraient en péril la vie des habitants. C’est d’ailleurs à ce titre que le parquet de Paris a reçu jusqu’à présent 1505 plaintes pour « mise en danger de la vie d’autrui», et « atteinte à l’environnement » par le mouvement des « Pisseurs volontaires de glyphosate ». C’est aussi la thèse des militants écolos Fabrice Nicolino et Stéphane Foucart, qui viennent, chacun pour leur compte, de publier un nouveau brûlot contre les pesticides. Ensuite, parce que ce mouvement entretient cette lamentable phytophobie dans laquelle la France semble s’enfoncer de plus en plus, y compris à la tête de l’État. Chacun y va de sa surenchère, mettant de facto en danger notre modèle agro-alimentaire, pourtant primée comme le « plus durable du monde » pour la troisième année consécutive par la revue britannique The Economist. Car, ne nous y trompons pas : l’objectif affiché de ce mouvement, porté aujourd’hui par quelques maires, c’est bel et bien la conversion forcée de toute l’agriculture française au modèle bio. Autrement dit, la fin de ce modèle français et, par voie de conséquence, l’ouverture massive de notre marché intérieur aux produits agricoles d’importation.