À l’issue du Conseil des ministres qui s’est tenu le 21 octobre, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Didier Guillaume, a bel et bien été forcé d’admettre qu’un an après son adoption, la loi Egalim, censée redonner un revenu correct aux agriculteurs, n’était pas à la hauteur des promesses du président Macron. « Lorsqu’un producteur de lait vend son litre à 33 centimes, que la construction du prix est à 39 centimes et qu’on retrouve ce litre à un euro dans la GMS, le compte n’y est pas », a déploré le ministre, insistant sur le fait qu’« il n’est plus possible que les agriculteurs soient rémunérés à un prix inférieur à ce que ça leur revient ». Même constat de la part de Dominique Chargé, président de Coop de France: « Les mesures actuelles de la loi Egalim comme seuls dispositifs de revalorisation de la rémunération des agriculteurs ne suffisent pas ». Il constate que « la valeur créée par la hausse du SRP (Seuil de Revente à Perte) n’a pas ruisselé et aucun dispositif réglementaire n’a permis la redistribution vers l’amont : zéro euro n’est revenu aux agriculteurs ».
Certes, comme le rappelle la FNSEA, « l’ensemble des outils ne sont disponibles que depuis la fin du mois d’avril 2019 ». Il est donc un peu tôt pour tirer un bilan définitif. Cependant, le cabinet Nielsen, qui s’est livré à l’exercice, a d’ores et déjà identifié les sombres conséquences qui touchent les entreprises les plus proches des agriculteurs, à savoir les PME régionales et les coopératives agricoles. Selon son étude, en effet, ces dernières subissent un net ralentissement de la croissance des produits de grande consommation et frais en libre-service. Celle-ci s’élevait avant la mise en œuvre de la loi à 5,5 % pour chuter aujourd’hui à 1,8%. Principal responsable : l’encadrement des promotions.
Saisie du dossier, la Commission des affaires économiques du Sénat tire un constat analogue. « Privées de l’instrument promotionnel pour concurrencer les grandes marques internationales, qui disposent des moyens de se payer des spots publicitaires en prime time, les PME sont les grandes victimes de la loi », indique ainsi le sénateur LR Michel Raison. Et celles qui vendent des produits saisonniers, directement issus des producteurs, sont paradoxalement les plus menacées, à défaut de soutien de leurs ventes par des promotions. « Certaines accusent un recul des ventes de plus de 50 % depuis janvier. Elles nous ont clairement indiqué que, faute d’un aménagement de la loi, elles ne survivront pas à l’année 2020 », s’inquiète Sophie Primas, la présidente de la Commission, qui note que, in fine, « l’inflation consentie par le consommateur français pourrait donc bien se retrouver dans la poche de producteurs… étrangers ! ».
Gil Rivière-Wekstein