Gil Rivière-Wekstein invité du site internet « Les clés de l’agriculture » pour s’exprimer sur le Pacte vert, le Green Deal, mis en place par la commission européenne.
Les Clés pour l’agriculture : La commission européenne a avancé il y a quelques jours sur les axes pour l’agriculture européenne avec deux grands objectifs : 25 % de terre en bio pour 2030 et 50% de réduction pour les produits phytosanitaires. Qu’en pensez-vous ?
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Gil Rivière-Wekstein : Il faut reprendre l’ensemble du contexte, mais avant je voudrais faire une petite rectification : ce n’est pas une réduction de 50% des produits phytosanitaires mais si vous regardez bien ce qui est écrit c’est « c’est une réduction de 50% des produits phytosanitaires les plus dangereux ». Mais qui sont-ils exactement ! Cela ne donne pas un ordre de la dangerosité minimum, mais « les plus dangereux ». Honnêtement cette phrase ne veut rien dire ! On a un objectif de 50% mais qui ne veut absolument rien dire. Comme tout le reste de ce Green Deal. Si vous regardez dans le détail, on se demande où se trouve la logique derrière ces propos.
Pour prendre un exemple très clair. Il s’agit beaucoup dans le Green Deal du Coronavirus. Il faut tout faire pour éviter une épidémie de ce genre-là. En fait, le Coronavirus a remplacé le réchauffement climatique. C’est au nom du Coronavirus que l’on va faire toutes les nouvelles réformes. Avant c’était au nom du réchauffement climatique et maintenant c’est le réchauffement climatique plus le Coronavirus. Pour éviter les épidémies du type Coronavirus, la commission européenne s’engage à faire quelque chose pour maintenir plus de biodiversité et propose de diminuer de 10% les surfaces agricoles pour les remettre en biodiversité. Je ne comprends pas la logique. Mais, je n’ai pas l’impression qu’en augmentant la biodiversité en Europe on va éviter le Coronavirus qui à priori ne provient pas des champs de betteraves françaises.
Si on veut vraiment préserver la biodiversité là où il y en a, où il y aurait des risques d’épidémies, en Chine ou dans d’autres pays tropicaux, peut-être qu’il faudrait éviter d’importer plus d’aliments et donc produire plus en Europe. Plutôt que d’importer et de produire moins. Or, toute la logique derrière ce Green Deal, c’est de produire moins. Déjà on va réduire la surface agricole de 10% en Europe mais ce n’est pas tout. On va, en plus de ça, passer les surfaces agricoles bio de 7% à 25%. Et vous savez très bien que la production agricole bio demande plus d’espace pour la même production. La logique, avant de savoir si c’est bien ou pas, soyons claire, c’est une diminution radicale de la production agricole européenne. Alors que l’on entend partout qu’il faut revenir à une souveraineté européenne alimentaire. On marche sur la tête ! On a l’impression que c’est des grandes déclarations tendances, pour faire plaisir à un certain nombre de nos concitoyens qui ne jure que pas le bio. Si on ne fait du bio, on n’est pas à la mode.
Je trouve ça très ridicule, on a l’impression d’avoir une copie du programme agricole des écologistes, des gens qui sont tout à fait hors sol et qui ne se rendent pas compte comment on fait pour nourrir l’Europe. Je suis tout à fait dubitatif de voir ce genre de chose sortir maintenant. Cela m’attriste de voir que finalement même à l ‘échelle européenne on n’a plus de réflexion sur ce long terme de ce qu’il faudrait faire pour avoir une agriculture réellement durable, qui soit au service de nos citoyens pour leur apporter une nourriture saine et accessible à tout le monde.
Les Clés pour l’agriculture : Le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume a dit récemment que l’on aurait besoin de tous les modèles d’agricultures, classique, traditionnelle, bio. Là-aussi c’est du grand n’importe quoi ou c’est une bonne approche des choses ?
Gil Rivière-Wekstein : C’est ce qu’il a déjà dit lors de son inauguration rue de Varenne. Il a déjà tenu les mêmes propos, il n’est pas là pour opposer les modèles agricoles et il a bien entendu absolument raison. Le problème n’est pas un modèle ou un autre mais il faut tous les modèles agricoles. La question c’est quels objectifs que nous avons pour l’agriculture européenne ? Est-ce un replis vers soi-même, est-ce une agriculture qui vise uniquement à faire du haut de gamme ? Ce qu’il dit c’est qu’il faut de tout pour faire un monde, ce qu’il dit est d’une banalité extraordinaire.
Les Clés pour l’agriculture : La souveraineté alimentaire est plus d’actualité. Il y a beaucoup d’opinions différentes et divergentes souvent. Pour vous qu’est-ce que la souveraineté alimentaire ?
Gil Rivière-Wekstein : C’est visiblement pas le propos de la commission européenne puisqu’ elle veut diminuer les surfaces dans tous les sens et en plus se priver d’outils de productions, diminuer les pesticides, les engrais… On n’est pas du tout dans une logique d’une souveraineté alimentaire. Ça fait bien, c’est chouette de le dire. Mais ce n’est du tout l’objectif qui ressort des propos avancés par ailleurs. On veut davantage de biodiversité, sauf à vouloir manger des coquelicots, ce que je ne vous conseille pas car c’est très toxique, cela ne va pas augmenter la souveraineté européenne. On est dans le marketing, dans l’apparence mais certainement pas la réalité.