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France Télévisions : un agribashing sans fin

Avec la diffusion répétée de reportages à charge contre l’agriculture, le groupe France Télévisions est devenu le promoteur numéro un de l’agribashing. Décryptage

Dans Un jour sans fin, film américain sorti en 1993 qui s’est imposé comme un classique du genre, le héros incarné par Bill Murray revit sans cesse la même journée. Telle est l’impression que nous laisse le numéro de « Réseau d’enquêtes » sur le thème « Pesticides, le débat empoisonné », diffusé sur France 3 le 20 mai dernier.

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On y retrouve en effet l’infaillible discours anxiogène agrémenté de ses mensonges, martelés comme des vérités incontestables. La parole est principalement donnée aux militants écolos, avec une reprise sans discernement des éléments de langage du biobusiness.

Ainsi, dès le début, en moins d’une minute chrono et sur fond de musique angoissante, on entend fuser les mots « accablant », « nocif », « poison », « génocide », « tue », « criminel », tandis que dans son introduction, le journaliste Charles-Henry Boudet multiplie les contrevérités, déjà maintes fois démenties par la profession agricole. C’est le cas du chiffre de 65000 tonnes de pesticides utilisées tous les ans en France, qui ferait de notre pays « l’un des principaux consommateurs de produits phytosanitaires au monde », alors que, si l’on calcule à l’hectare, la France n’est que… trente-quatrième dans le monde.

Déambulant dans un marché, le journaliste évoque ensuite des fruits et légumes « saturés de produits phytosanitaires », au moment où l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) vient de rappeler que, sur 11679 échantillons d’aliments analysés, 98,6 % d’entre eux sont en dessous des limites réglementaires. En aucun cas, le terme de « saturé » qui, selon la définition du Petit Robert, signifie « en surabondance », ne peut donc être approprié pour les quelques millionièmes de gramme de résidus par kilogramme de fruit ou légume que l’on peut trouver dans moins de la moitié des fruits et légumes.

Toutes ces fake news ont été réfutées à de multiples reprises, par des données factuelles indiscutables. Certes, plusieurs agriculteurs ont pu s’exprimer dans le reportage, mais avec un temps de parole de moins de huit minutes sur les cinquante-deux de l’émission, rendant leurs propos quasi inaudibles face à la multitude des interventions des militants anti-pesticides et des « pisseurs de glyphosate ».

Pourquoi un tel parti pris ?

Comment expliquer que des journalistes du service public reprennent ainsi sans discernement les éléments de langage des ONG antipesticides ?

Une partie de la réponse à cette question se trouve peut-être à recher- cher tout simplement du côté de Del- phine Ernotte, la présidente de France Télévisions, qui fixe la ligne éditoriale des chaînes du groupe. Fascinée par une vision romantique de Martine à la ferme, elle a en effet signé une tribune publiée dans Les Échos en décembre

2019 faisant l’éloge de l’agriculture urbaine, du « retour à une échelle locale pour l’alimentation » et, bio-bobo oblige, du bio. « Les collectivités locales ont un rôle crucial à jouer pour une alimentation locale, économe et plus sûre », note Delphine Ernotte, qui se félicite des initiatives de distribution locale « telles les AMAP, les coopératives locales et les épiceries solidaires ». Selon elle, ces modes de distribution « nous apprennent à consommer autrement (légumes de saison, productions adaptées aux sols du territoire, produits bios et réduction de la surproduction et du gaspillage alimentaire) ».

Ce type de prise de position est cohérent avec le fait que Mme Ernotte se soit adjoint la présence de Stéphane Sitbon-Gomez. Engagé avec les Verts depuis ses quatorze ans, il a fait ses classes auprès de Cécile Duflot, alors à la tête du parti écologiste, avant de diriger la campagne présidentielle d’Éva Joly, en 2012. Depuis août 2015, il est le directeur de cabinet de la présidente de France Télévisions et il exerce depuis 2018 la fonction de directeur de la Transformation. Est-ce donc étonnant de voir que les reportages de France Télévisions s’apparentent au programme agricole du parti écologiste ?

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