Déjà auteur de plusieurs livres, dont La querelle des OGM, Jean-Paul Oury publie un nouvel ouvrage intitulé Greta a tué Einstein 1. Rencontre avec l’auteur
Fin 2019, le Time Magazine a choisi de mettre en couverture la militante Greta Thunberg. Est-ce là l’élément déclencheur qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?
Les « personnalités Time » ont en commun de capter l’esprit de l’époque. Greta en couverture du magazine est le point d’orgue d’un changement de paradigme, si l’on se souvient que, vingt ans plus tôt, en 1999, Time avait choisi Einstein comme personnalité représentative du XXe siècle. Greta incarne l’antithèse d’une société qui fait confiance au progrès scientifique. Elle appartient à cette génération qui pense que l’on peut avoir son bac en signant une pétition. On imagine mal Albert Einstein lançant une pétition pour résoudre le problème de la théorie unitaire ! Cette anecdote constitue l’amorce qui nous permet d’introduire l’idée centrale de notre ouvrage : la science et ses applications technologiques sont tombées de leur piédestal sous les coups de boutoir répétés de l’écologisme politique. Au travers de quatre études de cas – les OGM, le nucléaire, les ondes et le glyphosate –, je démontre comment les ONG ont dénigré les applications scientifiques et techniques en utilisant la même méthode, dont je livre les mécanismes. C’est par ce long travail de sape que s’est imposé l’écologisme, avec ce danger ultime : faire passer l’idéologie politique – décliniste et décroissante – avant la science.
À lire aussi : Au cœur de la pensée de Stéphane Foucart / Les gardiens de la raison, enquête sur la désinformation scientifique
Pourquoi les problématiques agricoles occupent-elles une place centrale dans votre analyse ?
Dans les travaux sur les OGM que j’ai effectués au début des années 2000, j’ai mis en lumière les prémisses de la situation actuelle. Pour dénigrer les biotechnologies vertes, les anti-OGM ont fait passer un risque potentiel pour un péril imminent. Ils ont utilisé une version absolutiste du principe de précaution pour embarrasser les chercheurs avec une question qui n’a pas de réponse scientifique : l’innocuité d’une plante GM. Car un scientifique n’affirmera jamais qu’il y a une absence totale de risques. Et c’est précisément en jouant là-dessus que ces militants ont réussi à saper la confiance du public envers les biotechnologies végétales. Dans la dernière partie de l’ouvrage, je montre comment les applications prométhéennes de la science et de la technologie (les NBT, le nucléaire, l’agriculture intelligente et l’Intelligence artificielle) peuvent à nouveau séduire l’opinion. De mon point de vue, cela passe par deux étapes : d’une part, les défenseurs de la vision prométhéenne doivent challenger les zélotes de l’écologisme sur leur monopole du concept de Nature. Ces derniers ont en effet réalisé une véritable OPA sur la question, en s’appropriant une définition dans laquelle il n’y a pas de place pour l’homme et ses inventions. Alors qu’en vérité, toute innovation technologique s’inscrit dans un continuum homme-nature. Mieux connaître la nature, c’est pouvoir la modifier plus intelligemment. C’est ce que permettent les techniques dites Crispr. D’autre part, les acteurs qui veulent promouvoir ces solutions doivent davantage s’engager politiquement, sans se laisser entamer par les éternelles attaques ad hominem dont ils font l’objet de la part de certains détracteurs qui les accusent de travailler pour l’industrie. On a ainsi vu comment une communauté d’agriculteurs intervenant sur Twitter peut faire des miracles… Ces deux efforts conjoints permettront de faire entendre un message fondamental : il est temps de retirer la politique scientifique des mains des idéologues fanatiques pour la confier à des adultes responsables !
La pandémie a-t-elle changé la donne ? Le public va-t-il de nouveau faire confiance à la science ?
La pandémie a constitué un événement décisif pour renforcer l’opposition entre les zélotes de l’écologisme et ceux qui croient dans les vertus prométhéennes de la science. Ainsi, tous les décroissants ont instrumentalisé la pandémie comme si celle-ci était survenue pour leur donner raison. Nicolas Hulot a parlé d’un ultimatum que la nature envoyait à notre civilisation tandis qu’Aurélien Barrau a soutenu que si nous acceptons sans broncher le confinement pour des raisons de santé publique, il n’y a pas lieu de le refuser pour une raison encore plus grande qui serait l’urgence environnementale. Ce genre d’épisode dramatique nous a pourtant permis de réaliser à quel point nous avons besoin de toujours plus de connaissances et de progrès, dans le domaine de la médecine mais aussi pour notre approvisionnement en nourriture, afin d’éviter les pénuries et les risques de black-out.