Alors que les Faucheurs de Science poursuivent leur guerre de sape contre les biotechnologies végétales, la recherche avance au pas de course. Après les concombres israéliens résistants à trois potyvirus de l’équipe d’Amit Gal-On (Centre de recherche agronomique du ministère de l’Agriculture israélien), une équipe chinoise dirigée par le Dr Yong Zhang, du Collège de médecine vétérinaire à l’Université de Shaanxi, a réussi à modifier génétiquement du bétail pour accroître considérablement sa résistance à la tuberculose bovine (TB). Une maladie transmissible à l’homme par voie respiratoire.
« La TB peut frapper pratiquement tous les mammifères, provoquant une détérioration de l’état général, le plus souvent de la toux, et entraîner la mort à terme », avertit l’Organisation mondiale de la santé animale. Bien que considérée depuis 2001 comme « officiellement indemne » de TB par l’Union européenne, la France recense chaque année une centaine de foyers dans ses élevages. La vaccination et le traitement par antibiotiques étant interdits chez les bovins, ils entraînent l’abattage partiel du troupeau. En 2016, le lycée agricole de Oeyreluy (Landes) a ainsi dû abattre ses 138 vaches et repartir de zéro en raison d’un cas de TB. En janvier 2017, des cas ont été observés en Corse, pourtant isolée du continent. « Tout le monde pensait que la tuberculose était derrière nous. Là, on se rend compte qu’elle est toujours très présente », constate Annick Havet, de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de Haute-Corse. Avec de nombreuses espèces sauvages (sangliers, blaireaux ou encore renards) porteuses de la bactérie, et qui constituent donc des réservoirs naturels, la menace est permanente.
D’où l’intérêt des travaux de l’équipe du Dr Yong Zhang, publiés le 1er février dans Genome Biology. Afin de renforcer la résistance à la bactérie M. bovis, les chercheurs ont inséré un second gène de résistance, le gène NRAMP1, dans l’ADN d’une dizaine de veaux. Grâce à la précision d’insertion que permet le désormais fameux système d’édition génomique CRISPR/Cas9, les chercheurs ont privilégié un endroit dans le génome où l’insertion aurait le moins d’impact. Mais ce n’est pas tout. Pour éviter d’éventuels changements involontaires dits « hors cible », qui pourraient être provoqués lors de l’insertion du nouveau gène par l’activation du système de réparation de l’ADN, ils ont remplacé l’enzyme Cas9 par un autre enzyme – Cas9-nickase, ou Cas9n –, qui limite son activation. Et les résultats ont été très concluants, estime le Dr Yong Zhang. « Notre étude est la première à démontrer que le système CRISPR/Cas9n peut être utilisé pour créer des animaux transgéniques sans effets détectables hors cible », a souligné le chercheur chinois.
Une fois effectuée l’insertion au bon endroit, le déroulement a été très classique : le noyau de la cellule contenant le nouveau gène a été inséré dans un ovocyte de vache ; les cellules obtenues ont été cultivées au laboratoire pour donner des embryons, qui ont ensuite été implantés chez les vaches. Exposés à la TB, les onze veaux transgéniques ont montré qu’ils avaient bien acquis une résistance accrue à la bactérie.