Pour bien nourrir les hommes, mieux vaut bien nourrir les plantes. Ce constat qui relève du bon sens semble avoir échappé à certains élus de la République, partis en croisade idéologique contre les engrais azotés de synthèse, au motif qu’ils sont justement de synthèse.
Ainsi, le 18 mars dernier, à l’occasion de l’examen en commission spéciale de l’Assemblée nationale, un amendement destiné à augmenter la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en y incluant ces produits essentiels à l’agriculture a été proposé par la députée LREM Sandrine Le Feur.
Or, comme le souligne une note des services du ministère de l’Agriculture, dont les conclusions ont été révélées par notre consœur de L’Opinion Emmanuelle Ducros, « à moins de fixer la taxe à un niveau très élevé, son efficacité serait nulle en termes de réduction des usages, mais éroderait la rentabilité des exploitations françaises et, in fine, leur capacité à investir dans la transition écologique ». Quant à une taxe élevée, « elle aurait pour effet une baisse des rendements impliquant une baisse de la séquestration de carbone », affirme avec raison Jean-Yves Moizant, le président de la coopérative agricole Terre Atlantique.
L’objectif réel d’une telle mesure n’a cependant pas échappé à Arnaud Rousseau, le patron du groupe Avril : « Ce serait une taxation punitive, à visée décroissante. Faire croire qu’on peut se passer de ces engrais est faux. Les alternatives organiques (fumiers, etc.) sont totalement insuffisantes. Ou alors, nous prenons pour modèle l’agriculture des années 1940, qui ne nous nourrissait pas. »
Et il a parfaitement raison. Cette idée loufoque fait partie des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, et n’a rien à voir avec « une mesure de justice sociale », comme le prétend pourtant Yolande Bouin, militante écologiste impliquée dans le groupe de travail « Se nourrir ». Il s’agit ni plus ni moins de détruire le système agricole français au profit de l’agriculture bio, censée profiter pleinement de cette nouvelle manne financière estimée à un demi-milliard d’euros par an.
Pourtant, et c’est là le comble du ridicule, les engrais sont indispensables à toutes les agricultures, y compris à l’agriculture bio, laquelle, certes, ne les autorise pas sous leur forme « de synthèse » (urée ou ammonitrates) mais sous la forme d’engrais organiques (fumiers). Or, quelle que soit son origine, l’azote a essentiellement les mêmes avantages et les mêmes inconvénients. « Traiter les engrais uniquement comme des nuisances est donc un contresens », note Emmanuelle Ducros, qui rappelle que « la France n’est qu’au dixième rang européen en termes d’usage à l’hectare », grâce aux efforts considérables fournis par le monde agricole.