La nomination d’Élisabeth Borne en tant que cheffe du gouvernement est-elle une bonne chose pour le monde agricole ? S’il est encore trop tôt pour répondre à cette question, quelques éléments méritent d’ores et déjà d’être soulevés. Côté négatif, il y a l’absence notable de l’ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, de très loin le locataire le plus populaire de la rue de Varenne de la Ve République, qui jouissait du privilège d’avoir une ligne directe avec le président, faveur qui se révélait bien utile en cas d’arbitrage interministériel.
Ensuite, le parcours d’Élisabeth Borne, qui fut notamment directrice de cabinet de Ségolène Royal, alors ministre de l’Écologie, suggère une personnalité qui, certes, a côtoyé le monde des affaires, mais dont le logiciel porte l’empreinte de la haute fonction publique, pas vraiment connectée aux questions agricoles. Ainsi, ses prises de position écologiques, très proches, pour certaines, de la Convention citoyenne pour le climat, n’ont rien de rassurant. C’est le cas, en particulier, de ses déclarations au sujet de l’agriculture, dont le modèle actuel serait « arrivé à bout de souffle ». « Il bouscule la nature et il enferme tellement d’agriculteurs dans une impasse », affirmait-elle en janvier 2020, alors ministre de la Transition écologique, formulant le souhait que la future PAC intègre davantage la reconnaissance des exigences environnementales.
De l’aveu de Dominique Marchand, l’ex-président de la chambre d’agriculture de la Vienne, Élisabeth Borne lui a surtout « donné l’impression d’être une machine de guerre, capable d’aller au fond des dossiers pour les comprendre ». Néanmoins, il faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie pour s’assurer que l’agriculture maintienne la trajectoire tracée par l’ancien ministre, résolument orientée vers une agriculture moderne et productive.
Du côté positif, le monde agricole pourra certainement compter sur son nouveau ministre, Marc Fesneau, dont le nom avait déjà été murmuré plusieurs fois par le passé, eu égard à ses compétences en la matière. En effet, ayant été référent de François Bayrou sur ces questions et travaillé pendant plusieurs années pour la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher, il a le profil « qui rassure les agriculteurs et affole les écologistes », selon le site Novethic. Comme les affole la nomination de son ancienne collaboratrice, Éléonore Leprettre, au poste de directrice de la communication et des affaires publiques chez Phyteis (ex-UIPP). Si ce « pantouflage » a suscité l’émoi au sein des écologistes, on ne se souvient pourtant pas que ces derniers aient exprimé la moindre inquiétude quand l’ancien PDG de Biocoop, Claude Gruffat, est devenu député européen pour Europe Écologie-Les Verts…