Une cinquantaine de structures opposées à l’agriculture conventionnelle se sont réunies au sein du Collectif Nourrir, qui ambitionne de devenir un acteur incontournable des prochains débats agricoles français
Le 27 septembre 2022, un communiqué a annoncé la naissance du Collectif Nourrir, qui entend « se positionner comme un acteur incontournable de l’élaboration de politiques agricoles et alimentaires justes, démocratiques et écologiques ».
Ce collectif est issu de la fusion entre, d’une part, la plateforme Pour une autre PAC, qui avait été constituée en 2009 sous le nom « Groupe PAC 2013 », et d’autre part, de la Plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire, née en 2017 lors des États généraux de l’alimentation. Réunissant cinquante et une organisations « paysannes et citoyennes », il compte dans ses rangs les poids lourds du mouvement écologiste (Greenpeace, WWF, France Nature Environnement, Ligue pour la protection des oiseaux, Les Amis de la Terre, Fondation pour la Nature et l’Homme), l’artillerie légère de l’agribashing (Générations Futures, Agir pour l’environnement, Combat Monsanto), ainsi que les imprécateurs du « modèle dominant » issus du monde agricole (Confédération paysanne, Fédération nationale d’agriculture biologique).
Un air de déjà vu
Présidé par le producteur de lait bio Mathieu Courgeau, par ailleurs l’un des responsables de la Confédération paysanne de Vendée, ce nouveau collectif dirigera sans nul doute ses actions en fonction des revendications de la Conf’, même si celles-ci devront faire l’objet d’un consensus parmi ses membres. Il compte ainsi peser sur l’orientation des politiques publiques agricoles française et européenne, comme en témoigne le fait qu’il a déjà interpellé le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau pour réclamer la participation de ses membres aux premières discussions sur la future loi d’orientation agricole.
Quoiqu’il affiche des objectifs louables, comme « assurer notre souveraineté alimentaire, garantir le respect du Droit à l’alimentation, permettre aux producteurs et productrices de vivre de leur métier, et favoriser les dynamiques du vivant », on peut cependant s’attendre à ce qu’il calque son mode de fonctionnement sur celui du collectif Pour une autre PAC. Lequel, lors du Salon international de l’agriculture de février 2019, n’avait pas hésité à publier une tribune mettant en avant « douze priorités pour une autre politique agricole commune », en clamant haut et fort que son « mot d’ordre » était « ni dénigrement ni complaisance avec l’agro-industrie », dans le même temps qu’une de ses vidéos diffusée sur YouTube, visionnée plus de 500 000 fois, dénonçait le « modèle productiviste de merde »… Une position catégorique qui trahit la véritable cible de ce lobby d’agribasheurs : l’agriculture de progrès.
Ce radicalisme ne risque pas de s’assouplir avec le nouveau collectif, si l’on s’en fie aux convictions tranchées de Mathieu Courgeau – qui affirmait en février dernier sur France Info : « Aujourd’hui, techniquement, on sait faire autrement : sans engrais chimiques, sans pesticides…» –, et à ses prises de positions récentes à Bruxelles, notamment sur la PAC. « C’est elle qui structure notre modèle agro-alimentaire », note ainsi le Collectif Nourrir, en regrettant que « chaque année, 9 milliards d’euros […] ne profitent ni aux agriculteur·rices, ni aux citoyen·nes et alimentent plutôt un système aux effets néfastes pour l’environnement et les animaux d’élevage ».
D’où la demande du collectif, formulée conjointement avec l’association ClientEarth, et soumise le 4 novembre à la Commission européenne, pour un réexamen interne de la décision du 31 août 2022 d’approuver le Plan stratégique national (PSN) français de la PAC.
Aucun doute possible, donc : ce nouveau collectif imposera sa présence dans les débats agricoles des mois à venir
Par ailleurs, il est également intervenu afin de rendre plus exigeants les critères de la certification Haute valeur environnementale (HVE). « Le HVE reste du greenwashing vs la #bio », a estimé le collectif, reprenant à l’identique les éléments de langage de ses bailleurs de fonds : Biocoop, Léa Nature, Ecotone (Bjorg, Bonneterre) ou encore Ekibio.
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Doté d’un budget de près de 500 000 euros en 2021, il envisage une montée en puissance et annonce que « le budget ainsi que l’équipe salariée sont amenés à augmenter pour répondre à l’élargissement du mandat ». Trois nouveaux postes de salarié sont à pourvoir, dont l’un sera en charge de la recherche des financements…
Aucun doute possible, donc : ce nouveau collectif imposera sa présence dans les débats agricoles des mois à venir.