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Bio : rien ne va plus !

Les jours fastes de la filière bio s’éloignent à un rythme croissant : de nombreux magasins Biocoop sont placés en redressement judiciaire, et on assiste à réajustement de la stratégie des principales enseignes du secteur. Et si certaines radicalisent leur discours, d’autres tentent plutôt de diversifier leur offre aux consommateurs.

Le 26 octobre dernier, la société coopérative Scarabée Biocoop, propriétaire de treize magasins dans l’agglomération de Rennes, a été placée en redressement judiciaire, apprenait-on par la presse locale. Le redressement judiciaire, à ne pas confondre avec la liquidation, est une mesure qui accorde à la coopérative un délai de plusieurs mois afin de trouver une solution. Toutes ses dettes ont donc été gelées et un administrateur judiciaire rennais a été nommé mandataire par le tribunal de commerce.

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Isabelle Baur, la présidente du directoire, qui déclaré se sentit ainsi plus « sereine », a lancé un appel aux adhérents et consommateurs pour qu’ils restent fidèles au réseau. « On a besoin de nos sociétaires », martèle la présidente, résolue à jouer désormais la carte plus attractive du local. Ce cas n’est cependant pas isolé, puisque d’autres magasins du groupe Biocoop ont également été placés sous la protection du tribunal de commerce, dont quatre situés dans le Morbihan.

La débâcle du bio

Tout comme d’autres enseignes – par exemple, Les Nouveaux Robinson, coopérative récemment cédée au groupe Casino après un naufrage définitif –, Biocoop subit de plein fouet la débâcle du secteur bio, pris dans une tourmente dont les origines sont multiples.

Lire plus : Le bio noyé sous les labels

Au premier chef, les prix, bien évidemment, qui sont en moyenne de 54% plus élevés, selon une estimation de l’institut d’études IRI. Mais également une perte d’intérêt de la part d’un public de moins en moins convaincu des prétendus avantages pour la santé, tellement vantés par la filière. « Les consommateurs ont orienté leur consommation responsable vers des propositions moins exigeantes mais moins chères, comme la Haute valeur environnementale ou les produits “sans…”, sans nitrite, sans antibiotique, etc. », confirme Emily Mayer, experte en produits de grande consommation chez IRI.
Une analyse que partagent les dirigeants de Biocoop : « Pour certains consommateurs, le label AB ne représente plus la seule référence en termes de protection de l’environnement et de la santé. Il y a d’autres logos voire de démarches commerciales, comme par exemple le “Zéro résidu de pesticides”, la “Haute valeur environnementale”, ou encore “C’est qui le Patron ? !”, qui essaient de prendre cette place », déplore ainsi le directeur général Sylvain Ferry.

Afin de sauver ses 773 magasins, le patron de Biocoop brandit, pour sa part, la carte de la radicalité

« Notre rôle est de ne pas laisser des imposteurs et opportunistes s’engouffrer dans la brèche pour dénaturer et diluer la valeur du bio », ajoute son président Pierrick De Ronne, qui vise clairement « le monde du conventionnel des coopératives agricoles », et celui de la grande distribution, avec en ligne de mire Carrefour, dont le nouveau plan stratégique prévoit de privilégier désormais davantage les produits issus de l’« agriculture durable », qui « correspondent mieux aux attentes des clients », comme le justifie Alexandre Bompard, PDG du groupe.

Le choix de la radicalité

Pour essayer de sauver ses 773 magasins, le patron de Biocoop brandit, pour sa part, la carte de la radicalité. « Pierrick De Ronne sort les gants de boxe », ironise le journaliste Guillaume Echelard de l’hebdomadaire Challenges, qui constate que « le discours commercial est placé au second plan » au profit d’un « militantisme pur et dur ».

L’objectif est clair : fidéliser les clients historiques, militants dans l’âme. D’où le soutien affiché par Biocoop à toutes les formes de contestation, et notamment celle manifestée récemment contre les retenues d’eau de Sainte-Soline. Ce soutien s’inscrit tout naturellement dans la stratégie historique du leader de la distribution qui a, dès 2004, créé l’association Bio Consom’acteurs, afin de mener des actions de lobbying en convergence avec ses ambitions commerciales. Depuis 2012, Biocoop apporte son soutien financier à une dizaine d’associations porteuses de projets qui sont « en lien avec les ambitions stratégiques de Biocoop ». Au nombre de ces associations, on retrouve notamment les Faucheurs Volontaires, Inf’OGM, Générations Futures, etc.

Tout comme d’autres enseignes, (par exemple, Les Nouveaux Robinson, coopérative récemment cédée au groupe Casino après un naufrage définitif), Biocoop subit de plein fouet la débâcle du secteur bio

Mais, comme le note avec justesse Guillaume Echelard, « le discours politique n’éteint pas l’incendie et la coopérative, qui concède se sentir proche de la philosophie d’une ONG, reste avant tout une entreprise soumise à la loi du marché ». « Si on doit disparaître parce qu’on n’a plus de raison d’être, alors on disparaîtra », avertit Pierrick De Ronne, qui semble ne rien vouloir changer à sa stratégie.

Naturalia envisage de laisser de la place aux produits conventionnels

Le choix de la radicalité n’est, en revanche, pas celui opéré par Naturalia, l’enseigne bio du groupe Casino.

Son patron, Allon Zeitoun, a en effet annoncé réfléchir à un nouveau virage pour Naturalia, qui pourrait se traduire par l’ouverture prochaine de ses boutiques à des produits non bio. « Né en 1973, Naturalia se définissait comme le magasin de la forme et du bien-être », rappelle Zeitoun, qui souhaite revenir « aux origines » de l’enseigne en « proposant quelque chose de mieux en matière alimentation ». Ainsi, même si le bio gardera bien évidemment une place centrale dans l’assortiment des produits proposés par l’enseigne, d’autres produits, « sur le thème : “Mieux manger pour un prix acceptable” », pourraient bien rejoindre les rayons, explique le directeur général. « Il y aura de la place pour un concept militant et un concept plus ouvert », a-t-il résumé lors d’un entretien paru dans le journal Les Échos.

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