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Scientifiques en rébellion : le cas de Laurence Huc

Nouvelle coqueluche des médias parisiens, la chercheuse de l’Inrae Laurence Huc représente le cas-type de ces scientifiques militants au service de la décroissance

En jetant le discrédit sur des disciplines entières de la science, dont la chimie, le nucléaire et la génétique, les militants écologistes distillent un discours empreint d’une techno-phobie virulente, qui voit dans les avancées de la science de terribles menaces pour l’humanité et la planète. Or, dans le même temps, ces militants tentent de justifier leur projet de société décroissante sur la base d’arguments… scientifiques !

Ainsi, depuis peu, des chercheurs sympathisants de leur cause, notamment au sein du mouvement Scientifiques en rébellion, participent à cette croisade verte et anticapitaliste, mêlant sans scrupule affirmations scientifiques et convictions idéologiques (voir à ce sujet l’article « Quand l’idéologie décroissante est érigée en vérité scientifique », A&E n° 226, juillet-août 2023).

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Un mode opératoire que l’on retrouve tout naturellement dans les dossiers sensibles concernant les pesticides, comme en témoigne le cas particulier de la toxicologue Laurence Huc, directrice de recherche à l’Inrae et… active porte-parole des Scientifiques en rébellion, cette nouvelle égérie médiatique des mouvements antipesticides.

Laurence Huc, « Chercheuse engagée »

Féministe revendiquée, Laurence Huc se définit elle-même comme une « chercheuse engagée », libre de tout conflit d’intérêts, qui estime de son devoir d’alerter le grand public sur les questions relatives à la santé et à l’environnement.

Pour Laurence Huc, quelles que soient les molécules utilisées et les bonnes pratiques agricoles, l’usage des pesticides restera toujours problématique

Eu égard à son appartenance au domaine de la recherche publique, on ne saurait douter de sa sincérité quand elle aborde les problèmes de santé que pourraient provoquer les produits toxiques dans l’alimentation ou dans l’environnement. Ce qui peut expliquer sa participation, en avril 2018, dans le quotidien Libération, à une tribune appelant à suspendre l’utilisation des fongicides de la famille des SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase). En tout cas, « tant qu’une estimation des dangers et des risques n’aura pas été réalisée par des organismes publics indépendants des industriels ». C’est d’ailleurs à ce titre qu’elle a intégré un groupe de travail mis en place par l’Anses pour réfléchir sur le futur de ces molécules. Sauf que la chercheuse ne se prive pas de fustiger le fonctionnement même de l’agence, affirmant que « les cadres réglementaires élaborés par les agences n’évoluent pas avec la production de connaissances faite par la recherche publique ». Une façon classique de jeter le discrédit sur les futures conclusions du groupe de travail.

C’est animée de ce même état d’esprit que Laurence Huc préside l’Institut citoyen de recherche et de prévention en santé environnementale, une initiative du collectif Stop aux cancers de nos enfants. Créé en mars 2019, ce collectif s’interroge sur « la multiplication anormale de cas de cancers pédiatriques, depuis mai 2015, sur la commune de Sainte-Pazanne et ses environs », cherchant à découvrir pourquoi, dans cette région, « il y a plus de cancers d’enfants qu’ailleurs ». Selon Laurence Huc, « le fait qu’il y ait des taux délirants de pesticides dans l’air » sur ce territoire serait l’indice évident d’une des causes probables.

Enfin, Laurence Huc coordonne le réseau Holimitox, composé d’une quarantaine de scientifiques, qui « propose une approche interdisciplinaire de l’évaluation des principaux pesticides mitotoxiques », dont les SDHI. Et, à la suite de la publication du plan de surveillance des pesticides dans l’air (Atmo 2021), elle a également été missionnée par l’agglomération de la Rochelle pour « interpréter les résultats » sur la plaine d’Aunis, en raison notamment des niveaux de prosulfocarbe « jamais observés en France ».

Militante antipesticides

Si ces travaux suggèrent que la démarche de la toxicologue consiste à identifier des molécules potentiellement problématiques pour les faire interdire, certains de ses engagements bien plus radicaux la montrent clairement, dans la droite ligne de Générations Futures, comme une militante de la fin des pesticides.

Car, pour la chercheuse, quelles que soient les molécules utilisées et les bonnes pratiques agricoles, l’usage des pesticides restera toujours problématique : « Les pesticides sont des substances utilisées pour tuer, et ces substances sont réglementées pour que l’exposition soit ciblée et limitée. Or, quand je vois de tels niveaux de concentrations de pesticides dans l’air, ça veut dire que nous sommes tous très exposés, et que le système de bonnes pratiques agricoles ne fonctionne pas. » Et elle ajoute une image : « J’aime aussi reprendre cette métaphore utilisée par les industriels eux-mêmes : l’usage des pesticides, c’est comme le lion. S’il est en cage et que vous habitez en Europe, ce n’est pas dangereux. Force est de constater qu’ici, les pesticides ne sont plus en cage… »

Bref, son positionnement hostile aux pesticides ne fait aucun doute, comme en témoigne d’ailleurs sa participation, en mai 2021, au débat dans le cadre de l’initiative populaire helvétique, intitulée « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse », et plus récemment à La Rochelle, en septembre 2023, à l’instigation d’Avenir Santé Environnement, pour obtenir un « plan de sortie des pesticides de synthèse avant 2030 », ou encore en tant qu’invitée dans certaines émissions à charge contre les pesticides, comme en septembre 2021 à l’émission « Temps présent » de la chaîne suisse RTS, et en mai 2022 sur France Inter, dans l’émission « La Terre au carré ». Et on la retrouve sur Médiapart et Franceinfo, qui fustige la proposition de prolongation de l’autorisation du glyphosate dans l’Union européenne, affirmant que cette décision ne serait pas « basée sur des données sanitaires mais sur des décisions économiques et politiques ».

« La décroissance ou la mort »

À l’instar d’autres chercheurs décroissants, Laurence Huc rejette de façon systématique toutes les solutions qui passent par la science en général et la chimie en particulier, qu’elle soit de synthèse ou « verte ». « La chimie verte correspond, selon moi, à du greenwashing. En réalité, ils essayent de faire de la chimie propre, mais qui estime qu’elle est propre ? Sont-ce eux ou les citoyens ? », interroge la chercheuse, qui déplore que « ces alternatives ne permettent pas de changer en profondeur le système ». On touche là au cœur de son objectif : changer de système agricole et, plus largement, sortir du modèle économique de la société occidentale.

« À l’Inrae, nous convenons qu’il faut maintenant sortir de l’usage des pesticides vers une transition agro-technologique », a-t-elle indiqué lors de son audition à l’Assemblée nationale, en 2020, martelant qu’« avec les épidémies de cancers, l’augmentation des maladies chroniques et l’effondrement de la biodiversité, on ne peut plus se contenter d’être dans une évaluation de la balance bénéfices/risques ». Laurence Huc suggère également d’abandonner le concept de la « preuve absolue », persuadée que celle-ci ne peut exister en santé environnementale. Étant donné que l’on n’atteindra jamais la « démonstration de la preuve », c’est-à-dire la preuve reliant une molécule particulière à la maladie d’un patient, la toxicologue propose que, dès qu’il y a « assez d’éléments scientifiques », le principe de précaution soit appliqué et le produit retiré. D’autant que, selon la toxicologue, « ne pas être exposé aux pesticides devrait être un droit inné comme le soleil ou la pluie ». Des propos parfaitement conformes à la stratégie mise en place par les juristes des associations antipesticides et décroissantes, qui comptent désormais davantage sur les tribunaux que sur les responsables politiques pour obtenir gain de cause…

Aussi la chercheuse a-t-elle tout naturellement rejoint l’Atelier d’écologie politique lancé à Toulouse à l’automne 2018. L’Atécopol, qui rassemble 217 scientifiques, souhaite « faire émerger et structurer une communauté scien- tifique se reconnaissant dans l’écologie politique ». Avec notamment « la nécessité de revoir, en priorité, nos modèles socio-économiques ».

Ainsi, au printemps 2022, l’Atécopol a organisé des mini-conférences, dont une sur la thématique « Les riches détruisent-ils la planète ? », expliquant que « les ultra-riches définissent un modèle de surconsommation qui imprègne toute la société ». On retrouve ici les arguments du député membre du groupe LFI Aymeric Caron, selon lesquels la société du « consommateur frénétique » serait le « résultat d’une bataille culturelle et politique », qu’il faut donc combattre.

Lors d’une autre mini-conférence, les militants d’Atécopol assuraient que le seul moyen de « limiter la catastrophe » consiste « à court terme, à réduire nos émissions de CO2 » , ce qui passe « par une politique de décroissance généralisée, c’est-à-dire une réduction de nos productions matérielles et donc de nos consommations (matière, énergie, espace…) ». L’Atécopol organise aussi des séminaires d’écologie politique, comme en janvier 2021, sur le thème « La décroissance ou la mort … ou comment survivre à l’économie contemporaine ? » Même discours idéologique décroissant au festival de juillet 2023 intitulé « Décroissance, le festival », où l’on retrouve Laurence Huc pour un débat au titre revendicateur : « Se nourrir en respectant le vivant »…

En d’autres termes, pour l’Atécopol, la seule « science » qui vaille est celle qui est au service de l’écologie politique décroissante

En d’autres termes, pour l’Atécopol, la seule « science » qui vaille est celle qui est au service de l’écologie politique décroissante. « Telle qu’elle est menée, la science n’est pas satisfaisante », confirme ainsi Laurence Huc, qui pointe diverses raisons, dont le cloisonnement des différentes sciences, le manque d’engagement des chercheurs et la domination du sexe masculin. D’où son souhait de « participer à une réinvention de la science » afin de la replacer « au cœur des débats sociaux et politiques ». La chercheuse préfère ainsi aux expertises des agences sanitaires – dont les rapports tiendraient selon elle de la « truanderie » et dont le processus « ne correspond à aucun canon scientifique » –, la « science » émanant de chercheurs militants comme Charles Benbrook et Christopher Portier, le premier étant pourtant financé par le lobby du bio, tandis que le second l’est par les cabinets d’avocats américains engagés dans les poursuites contre le Roundup. Pas vraiment des parangons d’indépendance et d’intégrité…

Porte-parole de Scientifiques en rébellion

Outre sa participation à ce groupe de scientifiques adeptes de la décroissance, Laurence Huc a également rejoint le mouvement Scientifiques en rébellion, dont l’un des objectifs revendiqués est « de repérer et dénoncer les recherches néfastes et intimement liées à des politiques de croissance économique sans considération des limites planétaires ».

En tant que porte-parole du mouvement, la chercheuse a ainsi défilé, le 4 mars 2023, drapée de l’autorité de sa blouse blanche, dans le cortège funèbre organisé à Paris en parallèle du Salon de l’agriculture « pour dénoncer les conséquences catastrophiques du recours massif aux pesticides et promouvoir un autre modèle agricole ». Menée avec le soutien de XR, Pollinis, Avenir Santé Environnement et Générations Futures, cette action a mis en scène un die-in où ont déambulé des membres de la Red Rebel Brigade vêtus de rouge « pour symboliser le sang des espèces éteintes », en scandant le mot d’ordre : « Non aux pesticides, stop à l’écocide ! » « Il est difficile de voir ce que l’on voit. De voir que des consensus bien établis sur les effets cancérigènes sont mis en doute et transformés en controverses sous la pression des lobbys », s’est alors exclamée Laurence Huc, avant de fustiger les « pouvoirs publics qui n’ont pas tenu compte de nos résultats ».

Voilà encore cette fameuse rengaine si chère à la nébuleuse écologiste, selon laquelle les autorités seraient paralysées par le poids insupportable des lobbys. « En appartenant à un parti, une idéologie, certains s’éloignent de la réalité du terrain », a confié Laurence Huc au quotidien Sud Ouest. Pour une fois, on ne peut que lui donner raison.

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