En exclusivité pour A&E, Pierre Venteau, directeur de l’Association nationale pommes poires (ANPP), dresse le bilan de la récolte 2023 et revient sur quelques sujets d’actualités
Quel a été l’impact du climat très particulier de cette année sur la récolte de pommes et de poires ?
Nous avons vécu une situation très différente pour les deux récoltes. Pour la production de poires, essentiellement à cause des questions d’alternance, les arbres fruitiers donnant davantage de fruits une année sur deux, mais aussi en raison de petits soucis de pollinisation au printemps dus à un climat défavorable aux insectes, on a obtenu une récolte inférieure à celle de l’année dernière.
En ce qui concerne les pommes, on a eu incontestablement un printemps et un été avec des températures supérieures à la moyenne, mais, contrairement à l’année précédente, sans épisode caniculaire prolongé, en tout cas sur les zones de production. Deuxièmement, même avec une faible disponibilité en eau en raison des niveaux des nappes phréatiques au-dessous de la moyenne, nous avons eu suffisamment de précipitations depuis la floraison jusqu’à la récolte pour éviter aux arbres – et donc aux fruits – de souffrir de la chaleur et de la sécheresse.
Tout cela nous a permis d’avoir une récolte de niveau satisfaisant, avec une production de près de 1,5 million de tonnes de pommes.
Par conséquent, on ne peut pas dire que les conditions météorologiques de cette année aient été défavorables à la production de pommes. En mettant cependant un bémol pour certaines situations particulières, notamment dans la Drôme, l’Isère, l’Ardèche et le Tarn-et-Garonne, où il y a eu des épisodes extrêmement violents avec des tornades, qui ont provoqué des problèmes de grêle ou de destructions de vergers par les rafales de vent.
En réalité, s’il nous manque aujourd’hui un peu de tonnage par rapport à notre potentiel, c’est en raison de la problématique de gestion de certains ravageurs, comme par exemple le puceron, pour lequel nous avons de moins en moins de solutions disponibles qui soient efficaces.
Quels sont les points à retenir de la future loi d’orientation agricole ?
Dans le texte dont nous avons pris connaissance, on trouve le rappel de beaucoup de « principes ». C’est ce que j’appellerais une « loi principielle », avec notamment le principe de la souveraineté alimentaire, affiché comme une priorité nationale.
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En revanche, n’y figurent que très peu d’éléments opérationnels qui pourraient répondre aux attentes des arboriculteurs. Certes, le projet va sans doute évoluer, mais pour l’instant, le seul point que nous accueillions très favorablement, et qui figurait déjà dans la proposition de loi concernant la compétitivité de la Ferme France, portée au Sénat par les sénateurs Duplomb, Louault et Mérillou, est d’inscrire les projets de retenues d’eau, dès lors qu’elles sont soumises à un certain nombre de critères, comme relevant d’intérêt général majeur. Cela permettrait de sanctuariser des volumes d’eau, voire sans doute de les développer légèrement pour finalement répondre au fait que, dans l’avenir, il faudra non seulement davantage de surfaces à irriguer mais aussi le faire de façon optimale.
Nous sommes très vigilants sur ce point car nous craignons que, suite à certains arbitrages interministériels, il ne disparaisse. Nous comptons donc sur les parlementaires pour garantir qu’il soit bien inscrit dans la loi, et puisse ensuite se traduire de façon opérationnelle.
Le 30 novembre prochain, l’Inrae organise une rencontre sur le thème de la sortie des pesticides en arboriculture. Pourquoi ce colloque suscite- t-il de votre part une réaction d’inquiétude ?
Tout simplement parce que nous avons été extrêmement étonnés d’apprendre que s’organisait un colloque sur la sortie des pesticides dans notre domaine sans qu’aucun retour d’expérience du terrain et des pratiques que les agriculteurs mettent d’ores et déjà en place n’ait été programmé. Ainsi, à la table ronde finale censée tracer des perspectives, seront présents des représentants de la distribution et de la transformation mais aucun producteur. Un comble, non ? C’est pourquoi un courrier cosigné par l’ANPP, Felcoop et la FNPF a été adressé au président de l’Inrae, Philippe Mauguin, afin de rectifier le tir.
D’autant plus qu’alors que la profession fait face à un certain nombre de problématiques émergentes sur le terrain, avec de nouvelles maladies et de nouveaux ravageurs, le programme se focalise exclusivement sur des questions qui relèvent de la sociologie et absolument pas de l’agronomie. Évoquer des sujets du genre « la recomposition de systèmes » peut évidemment avoir une certaine pertinence, mais, franchement, sachant qu’on plante des arbres pour vingt à trente ans, cela reste des problématiques à très long terme, alors que nous avons besoin de solutions immédiates pour affronter ces nouveaux ravageurs concomitants à la disparition d’un nombre croissant de solutions phytosanitaires, par suite du durcissement de la réglementation.
Au final, on nous propose là beaucoup de blabla, avec à la clé beaucoup de tracas… Ce qui donne le sentiment d’un décalage de plus en plus manifeste entre les attentes du terrain et les lubies de la recherche publique, comme en témoigne justement ce colloque.