AccueilEditoThon au mercure : qui est derrière cette affaire ?

Thon au mercure : qui est derrière cette affaire ?

Dans le livre qu’ils viennent de publier, Les illusionnistes, Géraldine Woessner et Erwan Seznec, en excellents connaisseurs des rouages des médias, déplorent que trop de journalistes perdent leur sens critique, dès lors qu’on leur propose un sujet à scandale. L’exemple récent du buzz médiatique fait autour de la présence de mercure dans les boîtes de thon en apporte la confirmation.

Cette affaire a été lancée par Bloom, l’association fondée en 2004 par Claire Nouvian, une ancienne documentariste devenue militante écologiste, convaincue que « l’appareil d’État est infiltré par les lobbies industriels ». Les éléments de langage présentés dans un document de 64 pages et dans une vidéo d’une dizaine de minutes s’articulent autour d’une succession d’affirmations : 1) Le mercure est un poison extrêmement dangereux ; 2) Il se trouve dans toutes les boîtes de conserve de thon, partout en Europe ; 3) Les normes sanitaires en vigueur ne protègent pas les utilisateurs ; 4) Les lobbys sont à la manœuvre. Et voici comment un narratif implacable se retrouve dans la presse, avec des articles plus anxiogènes les uns que les autres… 

Or, comme le souligne sur X Frédéric Denhez, journaliste spécialiste des questions environnementales, il n’y a rien de neuf dans ce document. On sait depuis des années que le thon est un superprédateur en bout de chaînes alimentaires, et donc qu’il « bioaccumule » tout ce que ses proies ingurgitent. En réalité, le document entretient volontairement une confusion en interprétant des normes de façon erronée. Car, même en retenant la moyenne de mercure retrouvée dans les trente boîtes françaises analysées par Bloom, et en se basant sur la dose hebdomadaire tolérable (DHT) fixée par l’Efsa (1,3 µg/kg de poids corporel par semaine), un adulte de 70 kg peut se permettre de manger environ 9  kg de ces boîtes de thon par an tout au long de sa vie. Ce qui correspond à dix fois la consommation moyenne des Français, qui s’élève, pour 90 % de la population, à 900 g par an. Autant dire qu’il n’y a dans cette affaire aucune menace pour la santé des consommateurs.

Reste cependant une interrogation : pourquoi l’association Bloom s’est-elle lancée dans cette croisade ? Serait-ce dû, comme le révèle Le Point, au fait que le très discret Londonien Flavien Kulawik, président de l’association de Claire Nouvian, est également le boss de KLB Group, une société d’ingénierie spécialisée dans le déploiement de plateformes offshore… « dont les clients, eux aussi, luttent contre ces pêcheurs qui contrarient leurs projets de développement » ? Très bonne question !

Pour aller plus loin :
Derniers articles :

Dans la même rubrique

Les agriculteurs ont-ils eu raison de manifester contre l’Anses ?

Dès le matin du 28 novembre, des agriculteurs de la FNSEA d’Île-de-France et des JA se sont rendus devant les locaux de l’Agence nationale...

En ce moment

Restez informer en recevant régulièrement

La Newsletter A&E