Ces dernières semaines, Greenpeace a semé l’agitation autour de l’affaire du « riz OGM », un riz long en provenance des Etats-Unis testé positif au type OGM LL 601. En Europe, cette affaire a failli tourner au scandale sanitaire, et plusieurs grands distributeurs se sont même mis à boycotter toutes les importations de riz outre-Atlantique, affichant une prudence motivée certainement plus par un souci d’image que de santé publique. Il a fallu l’intervention officielle de l’agence européenne de sécurité sanitaire (Aesa) pour calmer les esprits et remettre les pendules à l’heure. Même « contaminés » par du riz LL601, les lots de riz importés ne représentent aucun risque pour la santé, a en effet précisé l’Aesa.
En revanche, Greenpeace est resté étrangement silencieux au sujet de l’ « affaire des épinards bio », pourtant largement médiatisée dans la presse américaine depuis septembre dernier. Officiellement à l’origine d’un décès, de vingt-trois cas d’insuffisance rénale (c’est-à-dire entraînant des séquelles à vie) et de plus de 150 hospitalisations, cette affaire touche déjà vingt et un Etats américains. Bien qu’ayant retiré du marché toute une gamme de produits à base d’épinards bio dès le 17 septembre 2006, la Natural Selections Foods LLC, une société spécialisée dans la distribution d’aliments bio basée à San Juan Bautista (Californie), doit déjà faire face à de très sérieuses plaintes devant les tribunaux fédéraux américains. Elle est accusée d’être à l’origine d’une contamination microbienne par Escherichia Coli de sérotype O157:H7, une bactérie très pathogène de l’intestin. Et ce n’est pas surprenant qu’une filière bio se retrouve au centre du cyclone. En effet, pour pallier l’absence de fertilisants de synthèse dont elle se prive volontairement, l’agriculture bio utilise des composts d’origine animale particulièrement riches en azote, mais susceptibles de véhiculer des germes bactériens pathogènes pour l’homme. Or, s’il est aisé de fabriquer soi-même son compost, il est beaucoup plus compliqué d’obtenir un produit de qualité, dépourvu de toxines. Comme l’a souligné le Dr Robert Tauxe dans le Journal of American Medical Association il y a déjà plus de dix ans, « nos connaissances concernant le temps et la température nécessaires pour rendre le compost d’origine animale sans danger d’infection microbienne sont totalement insuffisantes ». On sait cependant qu’un compostage de plus de six mois est efficace pour neutraliser l’essentiel des micro-organismes pathogènes. A ce jour, il n’existe aucune réglementation en matière d’épandage de fumier, et un agriculteur bio peut très bien répandre du compost fraîchement fabriqué sur une culture, quelques jours seulement avant sa récolte. En outre, il aura d’autant plus tendance à raccourcir le temps de compostage qu’un compost frais est plus riche en azote. Raison qui explique que le risque de contamination par Escherichia Coli est six fois supérieur en agriculture bio qu’en agriculture traditionnelle, comme l’a démontré une étude de l’Université du Minnesota publiée dans le Journal of Food Protection en 2004.
Il est vrai que cette affaire tombe très mal en France, où il n’est pas politiquement correct de mettre en cause ce qui est naturel. Certaines associations de défense de l’agriculture bio récusent d’ailleurs toute réglementation dès lors qu’il s’agit de pratiques dites ancestrales. C’est ce dont témoigne le récent remue-ménage survenu à propos de la vente devenue illégale du purin d’ortie. Dominique Jannot, le président de l’association des Amis du Purin d’Ortie, a vu dans la nouvelle réglementation un « coup des lobbies de l’industrie chimique », et a même appelé Jacques Chirac au secours de l’ortie.
Si le ridicule ne tue pas, il n’en va malheureusement pas toujours de même du naturel…