Ce n’est plus vraiment un scoop. Mais toute occasion est bonne pour le rappeler : « Il n’y a pas de cause unique à la mort des abeilles », comme l’explique à nouveau Yves Miserey, journaliste scientifique au Figaro, dans un article publié le 25 janvier dernier.
Le journaliste, qui a pris connaissance d’un document confidentiel de vingt pages rassemblant les conclusions de l’enquête multifactorielle sur les troubles des abeilles de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), s’attend avec raison à ce que « les conclusions de l’enquête [provoquent] des remous car elles ne recouvrent pas le diagnostic des apiculteurs »…En tout cas de ceux qui affirment encore aujourd’hui que la mortalité des colonies d’abeilles et la baisse de production du miel sont dues à deux insecticides, l’imidaclopride (Gaucho) et le fipronil (Régent TS) – c’est-à-dire principalement la Coordination apicole, qui regroupe quelques apiculteurs vendéens conduits à l’origine par l’ancien vice-président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), Maurice Mary. La Coordination apicole a d’ailleurs toujours refusé de participer à l’enquête multifactorielle de l’Afssa.
Pourtant, « le protocole de l’enquête multifactorielle prospective a été conçu pour mettre en évidence les effondrements massifs et subits de colonies tels que ceux qui avaient été décrits par la filière apicole et répercutés par les médias. Selon ces témoignages, ces effondrements étaient consécutifs à l’exposition des ruchers aux cultures de tournesol », peut-on lire dans le document de l’Afssa. Or, « ni au cours de miellées de tournesol, ni à aucun autre moment de la saison apicole (à l’exception d’un cas), nous n’avons constaté de mortalités ou de dépopulations massives de ruches […] Dans le cas unique où nous avons constaté une mortalité massive d’abeilles, la recherche de résidus de produits phytosanitaires a montré la présence d’endosulfan et de fluvalinate dans les abeilles mortes. » Le fluvalinate, tout comme le coumaphos, dont des résidus importants ont été retrouvés sur les abeilles mortes, sont « utilisés par les apiculteurs pour lutter contre les maladies causées par le varroa, un acarien parasite qui a envahi les ruches du monde entier à partir des années 1990 », explique Yves Miserey. D’où le fait que l’équipe de l’Afssa incrimine clairement aussi l’usage de « plusieurs pratiques apicoles inadaptées. Parmi celles-ci, l’utilisation de produits non homologués pour le traitement de la varroase. » Une observation à mettre en parallèle avec le manque de formation de certains apiculteurs, régulièrement dénoncé par le Syndicat des producteurs de miel français (SPMF).
Le dernier volet de l’enquête de l’Afssa porte sur le manque de nourriture (de nectar mais surtout de pollen, qui apporte les protéines nécessaires au développement des jeunes larves), qui est du à l’uniformisation des paysages agricoles. « Les anomalies concernant l’alimentation des abeilles, qui ont été suspectées en raison de la situation de certains ruchers, ont pu avoir des conséquences sur la santé des colonies », avancent les chercheurs de l’agence de santé. Des propos que conteste l’apiculteur vendéen Frank Aletru. « Chez nous en Vendée, la diversité végétale augmente et pourtant le problème persiste ! », affirme-t-il dans le numéro de Science & Vie de février 2007. C’est bien là le hic, puisque ni le Gaucho ni le Régent ne sont utilisés en Vendée depuis 2005 !