Ce n’est que depuis peu que la mutagenèse figure dans le vocabulaire du militant anti-OGM de base. Pourtant, le sujet avait déjà été évoqué en septembre 2005, dans un article assez substantiel rédigé par Éric Meunier. Le responsable de l’association Inf’OGM y établissait les principaux arguments repris aujourd’hui[[ Des plantes mutantes dans nos assiettes, Éric Meunier, septembre 2005.]]. Or, à cette époque, l’article n’avait visiblement pas alerté la vigilance des Faucheurs volontaires, de la Confédération paysanne ou des associations écologistes, peu inquiets d’une technique d’amélioration variétale utilisée, avec succès, depuis plus de cinquante ans. Signe d’une absence d’intérêt assez généralisée, la question n’avait même pas été abordée par les militants anti-OGM lors du Grenelle de l’environnement. En revanche, cela fait longtemps qu’elle préoccupe Guy Kastler, responsable du réseau Semences paysannes et de Nature & Progrès, qui avait abordé le sujet dans un long texte en février
2008 [[Évolution du paysage semencier européen, Guy Kastler, février 2008.]], avant de l’évoquer à l’assemblée générale des Faucheurs volontaires en juillet suivant.
Des plantes issues de la mutagenèse partout dans le monde
Une étude de la FAO réalisée en 2000 recense environ 2 250 variétés issues de la mutagenèse. Ce chiffre est très certainement sous-évalué, estiment Claire Doré, de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), et Fabrice Varoquaux, maître de conférence à l’Université de Montpellier 2, qui expliquent que seule la variété produite par mutagenèse y est enregistrée, et non les variétés qui en sont issues [[Histoire et amélioration de cinquante plantes cultivées, C. Doré, F. Varoquaux, Inra, juin 2006.]]. Comme le souligne le Dr Graham Scoles, du département des Sciences végétales de l’Université de Saskatchewan (Canada), « établir une liste des variétés de plantes améliorées par mutagenèse reviendrait, à quelques exceptions près, à établir une liste de toutes les variétés de plantes cultivées dans le monde [[www.usask.ca/agriculture/plantsci/foxs/durum/genetics/mutagenesis.html.]]». Or, la culture de ces plantes n’a soulevé aucun problème d’ordre environnemental ou sanitaire. Il est vrai que la mutagenèse induite s’inspire d’un phénomène naturel connu depuis l’Égypte ancienne : la mutation spontanée, dont elle ne diffère que par le fait qu’elle est provoquée volontairement, soit par utilisation de radiations ionisantes, soit par recours à un agent chimique mutagène. Dans cette intervention humaine, certains voient le doigt de Satan. Pour d’autres, une mutation naturelle – qui reste une erreur de transcription génomique – n’est pas nécessairement plus anodine qu’une mutation provoquée. Peut-être même l’est-elle moins… Quoi qu’il en soit, depuis l’utilisation de cette méthode, plus de 150 variétés de blé tendre, 260 variétés d’orge (dont 12 variétés françaises comme Baraka ou Bétina) et 90 variétés de soja ont été enregistrées auprès de la FAO. Comme le note le Dr Scoles, « la variété de colza Regina II, obtenue par mutagenèse en Suède, a été lancée au Canada en 1953. Le lin Redwood 65 (inscrit en 1965) dérive d’un programme de sélection par mutagenèse de l’Université de Saskatchewan : il est aujourd’hui présent dans le patrimoine génétique de nombreux cultivars de lin de l’Ouest canadien. […] En 1994, la FAO a estimé que presque 70 % du blé dur cultivé en Italie provenaient de variétés obtenues par mutation, et qu’il y avait 200 cultivars de riz dérivés de programmes de sélection par mutagenèse. En résumé, les programmes de mutagenèse ont été largement utilisés par les sélectionneurs, et la plupart de nos cultures à fins alimentaires proviennent directement ou indirectement de tels programmes. » Des tomates résistantes à certaines maladies, aux colzas et aux tournesols riches en acide oléique, en passant par le maïs tolérant aux imidazolinones ou à la pastèque sans pépin, les exemples de réussite de cette technique ne manquent donc pas. « La diffusion commerciale des plantes mutantes non OGM est passée pour le moins inaperçue aux yeux des consommateurs », écrit Éric Meunier. C’est que rien de particulier
n’a été observé avec leur usage ! Ce qui explique qu’aucun État du monde n’ait estimé nécessaire d’appliquer une législation spécifique pour leur mise sur le marché. Seul le Canada a intégré la mutagenèse et la transgenèse dans une même législation – au demeurant beaucoup moins contraignante que la législation européenne –, car elle s’intéresse en priorité à la nouvelle caractéristique apportée par le sélectionneur, quel que soit le moyen utilisé pour obtenir ce résultat. Aujourd’hui encore, le cahier des charges de l’agriculture biologique n’exclut pas cette technologie. Ce qui laisse le choix aux agriculteurs bio d’utiliser ou non ces variétés ; ce dont nombre d’entre eux ne se privent pas !
De nouvelles perspectives
Autoriser les variétés issues de la mutagenèse induite en agriculture biologique est d’autant plus raisonnable que cette méthode pourrait connaître un nouvel essor, apportant des solutions techniques là où l’on se trouve aujourd’hui plutôt dans l’impasse. En effet, la combinaison du séquençage génétique et des techniques de marquage assisté permet de repérer immédiatement dans la cellule une mutation – naturelle ou induite – intéressante. Ce qui évite le très laborieux passage par la mise en culture des plantes. Mieux encore, des chercheurs de l’Université de l’Iowa ont souligné dans un récent article que l’usage d’enzymes dites « à doigt de zinc » peut générer efficacement des mutations dans des séquences spécifiques de gènes, ce qui permet une plus grande précision et un gain de temps considérable [[High-frequency modification of plant genes using engineered zinc-finger nucleases , J.A. Townsend et al., Nature, mai 2009.]]. « Une dizaine de multiplications suffisent pour obtenir les lignées recherchées », se doit d’admettre Guy Kastler ; alors qu’avant, il en fallait plusieurs dizaines !
Il n’est donc pas surprenant que plusieurs variétés issues de la mutagenèse soient en cours d’homologation. C’est ce qui a conduit la revue Perspectives Agricoles à publier en février 2009 un dossier consacré à deux nouvelles lignées de tournesols « mutants » : les variétés ExpressSun de Pioneer Semences et Clearfield de BASF. Il s’agit de « deux innovations majeures » qui apportent une nouvelle solution technique au désherbage, indique le mensuel. Du côté des producteurs d’oléagineux et de leurs filières, cet événement était « attendu avec impatience », comme le note Franck Duroueix, du Centre technique interprofessionnel des oléagineux métropolitains (Cetiom), qui rappelle que « la culture du tournesol souffre d’un manque flagrant d’innovation en dehors du progrès génétique ».
Il n’en a pas fallu plus pour que Guy Kastler et ses amis déterrent la hache de guerre.
Guy Kastler bat le rappel
Un mois après la publication du mensuel agricole, le leader décroissant a déclenché l’offensive par le biais d’une interview publiée sur Bastamag, un site d’information réalisé par des journalistes et des « contributeurs issus des mouvements sociaux ». Intitulé L’industrie génétique remet en cause la possibilité pour nos enfants de se nourrir, l’entretien ne fait pas dans la dentelle. Traitant de « ce que nous préparent encore les apprentis sorciers du XXIe siècle », il évoque des « projets à faire frémir » et une « destruction programmée du vivant ». Dans un scénario digne d’un western spaghetti de Sergio Leone, Guy Kastler attribue les rôles de la brute et du truand à « Bill Gates et Rockefeller », qui entreposent des semences qui « perdront rapidement toute leur capacité de germination», tandis que le rôle du bon est
tenu par les « maisons de la semence »,les paysans et les jardiniers. Ce discours fantaisiste a été repris lors des états généraux OGM et biodiversité, résistances et alternatives, qui se sont tenus près de Toulouse les 18-19 avril 2009. Pour la première fois, les variétés issues de la mutagenèse – devenues « OGM cachés » plutôt qu’« OGM clandestins » [[Le terme « clandestin » évoquant celui de « sans papier », le mot « caché » lui a été préféré, d’autant plus qu’il a l’avantage de suggérer un complot organisé par les semenciers.]]– ont fait l’objet d’un atelier entier, animé, bien sûr, par Guy Kastler. Le militant décroissant s’est donné pour objectif de convaincre son auditoire de la nécessité d’interdire une technique utilisée depuis de nombreuses années – tâche certes plus complexe que celle consistant à stopper une technologie en devenir comme les OGM.
Action à Bollène
Après l’étape de formation, les travaux pratiques ont commencé dès le 20 mai 2009, avec une action à Bollène, sur le site du Cetiom. Dans un premier temps, le mot d’ordre était à la retenue. Hors de question de procéder à des arrachages sauvages ! Comme le note Éric Meunier, « les représentants des associations ont expliqué ne pas contester la légalité des présents essais, qui concernent des tournesols mutés pour résister à des herbicides ». Mais pour la Conf’ et la vingtaine d’organisations mobilisées en soutien [[Il s’agit notamment de la Fédération nationale d’agriculture biologique, des Amis de la Terre, de Nature et Progrès, de Stop OGM, d’Agir pour l’environnement, du MDRGF, d’Attac, de l’Unau et de plusieurs collectifs anti-OGM.]] (dont l’association des Croqueurs de carottes), ces plantes sont ni plus ni moins des OGM, qui « génèrent les mêmes risques de dommages intentionnels ou non intentionnels sur la santé et l’environnement que les plantes obtenues par transgenèse ». Entre militants et responsables du Cetiom, les échanges étaient plutôt cordiaux, et l’heure semblait être au dialogue. Or, le communiqué de presse de la Conf’ publié à cette occasion a fait figure de déclaration de guerre. « Il s’agit d’une tentative [des firmes] de contourner l’opposition massive aux OGM », affirme le syndicat paysan, qui « demande la réintégration des plantes mutées dans le champ d’application de la législation sur les OGM ». « Réintégration », et non « intégration », écrit la Conf’, afin de laisser entendre que la mutagenèse aurait été volontairement sortie du cadre de cette législation… alors qu’elle n’y a jamais été inclue ! En réalité, cette demande de « réintégration » n’est formulée que pour obtenir l’interdiction totale de la mutagenèse. Dans un article paru dès le lendemain du rendez-vous de Bollène dans le mensuel altermondialiste Politis, le journaliste Patrick Piro soutient que « les risques [de ces variétés mutées] sont identiques à ceux des cultures transgéniques », car « la mutagenèse, technique agressive, peut provoquer plus de désordres génétiques que la transgenèse ». D’ailleurs, « il s’agit bien d’organismes génétiquement modifiés, décrits comme tels par l’Union européenne», affirme-t-il. Une lecture orientée de la législation qui reste à confirmer. En revanche, c’est ainsi que la Fédération internationale des mouvements pour l’agriculture biologique (Ifoam) définit les variétés issues de la mutagenèse. Lors de son assemblée générale de 2008, la fédération a affiché sa volonté de bannir de l’agriculture biologique non seulement la mutagenèse, mais aussi toutes « les techniques de fusion cellulaire ». « Si nous utilisons ces techniques OGM, nous perdons notre crédibilité et la confiance des consommateurs bio[[Déclaration relative à une proposition de stratégie pour la gestion, en agriculture biologique, des variétés obtenues par des techniques de fusion cellulaire, Ifoam, avril 2009.]]», indique l’Ifoam. Exit donc la transgenèse, la mutagenèse et l’hybridation… Il s’agit bien de balayer d’un revers de main « cinquante ans de sélection [[Interview avec G. Kastler, ECOREV, oct. 2003. ]] », comme le souhaite Guy Kastler.
Ce qui correspond entre autres à interdire les cultures bio de blé Renan, une variété porteuse du gène Pch1, suite à un croisement de plusieurs lignées (dont la lignée VPM, obtenue par des techniques d’hybridations intergénériques et par culture in vitro). Or, un tiers des surfaces de blé bio sont cultivées en France avec cette variété ! De même, devraient être interdits les tournesols bio Alisson RM (obtenus par mutagenèse induite), de très nombreuses brassicacées bio (dont des choux et des colzas issus d’hybridation somatique), et bien entendu l’ensemble des cultures de triticale, un hybride artificiel de blé et de seigle. Selon l’Ifoam, toutes ces variétés seraient des OGM cachés. Les Faucheurs volontaires vont-ils demander leur interdiction ? Vont-ils lancer des actions de fauchage dans les champs bio, lieux de dissimulation de ces « OGM cachés » ? D’autant plus qu’« au point de vue environnemental, les plantes mutantes présentent les mêmes risques que les plantes transgéniques, car elles portent et peuvent transmettre la mutation de leur patrimoine génétique à des plantes voisines dans le cas d’une reproduction sexuée [[Des plantes mutantes dans nos assiettes, Éric Meunier, septembre 2005 ]]», si l’on en croit Éric Meunier. Ne faudrait-il donc pas exiger des agriculteurs bio qui utilisent ces variétés la mise en place d’un périmètre de sécurité afin qu’ils ne contaminent pas leurs voisins ? Et que dire des magasins bio qui, selon la logique d’Ifoam, dissimulent dans leurs rayons des produits issus de ces « OGM cachés » ? À quand les inspections de Greenpeace ?
José Bové réécrit l’Histoire
Grand absent de l’assemblée générale des Faucheurs volontaires des 11-13 juillet 2009, au cours de laquelle il a beaucoup été question des « OGM cachés », José Bové est néanmoins intervenu le 26 août suivant pour soutenir ses amis lors de leur action à Montech, devant le centre de recherches du semencier Pioneer. « Les firmes ont compris que sur les OGM, elles étaient en train de perdre le combat, ne serait-ce qu’auprès de l’opinion publique. Elles ont alors changé leur fusil d’épaule. Les nouvelles technologies [sic !] qu’elles ont mises en place n’ont pas besoin d’autorisation et d’essais [[Des plantes mutantes dans nos assiettes, Éric Meunier, septembre 2005. ]] », a-t-il déclaré. Selon la lecture particulière du nouvel élu de Strasbourg, ces « nouvelles technologies » auraient été développées depuis le combat perdu des semenciers avec les OGM . La fin de la déclaration de José Bové est encore plus surprenante : elle semble signifier que l’ancien dirigeant agricole est dans le secret des pensées du ministère de l’Écologie, qui serait « gêné, car il se rend parfaitement compte que les firmes ne jouent pas le jeu ». « Mais il ne s’est pas engagé franchement pour dénoncer ces nouvelles technologies. Nous attendons avec beaucoup d’impatience la prise de position de Chantal Jouanno, la secrétaire d’État à l’Écologie », ajoute en fin politicien José Bové. En effet, comme dans le dossier des OGM, le ministère de Jean-Louis Borloo est plutôt favorable aux revendications des Faucheurs volontaires, dont le discours sur les « plantes herbicides » résonne en parfait écho à celui sur les « OGM pesticides », si cher au présidentde la République…
La machine médiatique
Action contre Pioneer et déclaration de soutien du chouchou des médias, José Bové, il n’en faut pas plus pour mettre en route la machine médiatique ! L’AFP rend donc sa dépêche, tandis que des articles favorables aux propos des Faucheurs volontaires – au chômage technique depuis le moratoire sur le MON 810 – paraissent dans LibéToulouse, L’Express, 20 minutes ou La Dépêche. La Conf’ obtient même un reportage dans l’édition régionale de France 3. Du côté des autres syndicats agricoles, c’est le silence radio. Même à l’Inra – pourtant à l’origine de nombreuses variétés issues de la mutagenèse –, pas un seul chercheur ne sort de l’ombre pour défendre cette technique, laissant ainsi le champ libre à Guy Kastler et à la Conf’. Manquent à l’appel l’essentiel des grands acteurs de l’écologie, comme le WWF, Greenpeace ou France Nature Environnement, qui ne se sont jamais prononcés sur ce dossier – trop boiteux. Même le Crii-GEN, pourtant très mobilisé contre les OGM, reste pour l’instant absent du débat. Les grands acteurs de l’agriculture bio, comme Biocoop, restent pour leur part prudents.
On comprend aisément pourquoi !
Bon accueil de Mme Dron
Deux semaines après cette agitation médiatique, une délégation composée notamment de Guy Kastler, Jean-Baptiste Libouban et Michel Metz est reçue pendant deux heures par Dominique Dron,« au 18e étage de la paroi nord de l’Arche de la Défense ». Occasion pour les militants d’apporter à la conseillère de Jean-Louis Borloo un argumentaire amalgamant mutagenèse et transgenèse (effets non intentionnels, contamination, développement de résistances…), mais surtout d’avancer toute une argumentation contre l’usage des herbicides en général. Une thématique à laquelle Dominique Dron est visiblement très sensible. À en croire Guy Kastler, la véritable agronomie consisterait à exclure tout usage de produits phytosanitaires au profit des rotations de cultures, du désherbage mécanique et des variétés anciennes. « Un peu de terre, un peu d’eau et les mains des paysans suffisent », affirme-t-il, en guerre contre toute innovation. On peut comprendre un tel discours de la part d’un adepte du retour à la terre. Mais que ces propos soient applaudis dans les couloirs du ministère de l’Écologie est plus surprenant. Il suffit pourtant d’aller sur le terrain pour constater les difficultés techniques qu’implique la culture biologique des tournesols ou des colzas, dont les surfaces s’élèvent respectivement à 10 000 ha (contre 600 000 ha en conventionnel) et 1 000 ha (contre 1 450 000 ha en conventionnel), soit 0,55 % du total ! Mais il est vrai qu’à force de préférer l’avis de « nos associations environnementales » à celui des experts accusés d’avoir des « pseudo-certitudes », comme l’écrit Chantal Jouanno dans une tribune parue dans Le Monde [[Ne laissons pas les idéologues de tout poil monopoliser l’écologie, Le débat démocratique doit résister aux pseudo-certitudes scientifiques, tribune de Chantal Jouanno parue dans Le Monde le 8 septembre 2009.]], le bon sens devient une valeur obsolète. La protégée du Président, qui n’est plus à une contradiction près, a même indiqué lors de l’université d’été de l’UMP qu’elle était favorable aux OGM « dès lors que ceux-ci permettent de limiter les produits chimiques ». Cette déclaration est d’autant plus surprenante que l’usage du maïs transgénique MON 810 bouté hors de France aurait permis d’économiser 30 tonnes d’insecticides de la famille des pyréthrynoïdes de synthèse [[Les 600 000 hectares de maïs régulièrement soumis à la pression de la pyrale et de la sésame nécessitent l’usage d’environ 25 grammes par hectare d’insecticides de la famille des pyréthrynoïdes de synthèse, soit un total de 15 000 kg chaque année. En théorie, le maïs MON 810 pourrait supprimer totalement cet usage.]]! Pire, Mme Jouanno n’hésite plus à pourfendre l’industrie de la semence, estimant qu’elle se préoccupe trop de ses bénéfices et pas assez de l’avenir de la planète [[« Quant aux OGM, ils seront peut-être une réponse à venir si les industriels se préoccupent moins de bénéfices commerciaux et plus de l’avenir de notre planète », indique Chantal Jouanno dans la tribune parue dans Le Monde le 8 septembre 2009.]] . On comprend mieux l’imperméabilité du ministère de l’Écologie face aux arguments techniques des semenciers, qui sont convaincus, avec raison, que le combat contre les nouvelles variétés de tournesols résistants aux herbicides inaugure un nouveau bras de fer contre les pouvoirs publics et les ONG radicales. Aujourd’hui, ils peinent à faire entendre leur voix. Si le Cetiom a mis en place un site internet et organisé des événements agricoles pour présenter cette innovation aux agriculteurs, la crainte d’un véritable débat semble paralyser toute action d’envergure médiatique – comme c’est le cas pour tous les dossiers sensibles. Il est vrai qu’il est plus facile de défendre une juste rémunération pour les producteurs de lait que de prendre parti en faveur de la mutagenèse ! De son côté, Guy Kastler compte obtenir « l’interdiction de toute plante fabriquée pour résister aux herbicides, génétiquement manipulée ou non [[Cité dans Politis, Des trucs louches dans la soupe, 21 mai 2009]] ». En effet, l’interdiction du tournesol résistant aux herbicides n’est qu’un prélude ! « Le risque [de contamination par croisement] est certes minime avec le tournesol. Il est en revanche avéré pour le colza, dont une lignée mutée est attendue pour 2011 », note le mensuel Politis, qui a bien identifié, après le tournesol ExpressSun du semencier Pioneer, le colza Clearfield de BASF Agro, censé être disponible pour les producteurs français en 2011.
Un peu d’agronomie
Mme Jouanno, qui prétend apprécier les nouvelles technologies « permettant de limiter les produits chimiques », devrait ainsi se réjouir du potentiel représenté par ces nouvelles variétés résistantes aux herbicides. Déjà présentes sur plus d’un million d’hectares en Europe (Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Slovénie et Ukraine), elles rencontrent un franc succès partout où elles sont cultivées. Ce que confirme Jean-Claude Lalane, agriculteur dans le Tarn-et-Garonne , qui a effectué cette année des essais encadrés par le Cetiom : « Avec des variétés classiques, le seul moyen pour éliminer les adventices est de faire plusieurs désherbages préventifs (chimiques ou mécaniques) avant la levée des tournesols. Ensuite, il devient très difficile de se débarrasser des mauvaises herbes, dont l’ambroisie, qui peut provoquer des allergies sérieuses au moment de sa floraison. Avec ces nouvelles variétés, qui permettent un traitement post-levée, la maîtrise des adventices peut être raisonnée, et avec des doses bien plus faibles qu’auparavant. » Outre-Atlantique, ces variétés sont commercialisées au Canada, aux États-Unis et en Argentine. Elles sont également disponibles en Turquie, en Italie, en Espagne et en Afrique du Sud. Bien avant leurs collègues français, les agriculteurs de ces pays disposent donc de variétés plus performantes. Voilà un constat à méditer pour Bruno Le Maire, le ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche, qui souhaite que la France « reprenne sa place de première puisssance agricole »…