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Les Faucheurs d’OGM : de la désobéissance civile aux pratiques de miliciens

La condamnation des Faucheurs Volontaires pour le saccage de cinq parcelles de tournesol sanctionne une action qui relève davantage de la milice que de la désobéissance civile

Le 11 mai, trois membres du collectif des Faucheurs Volontaires d’OGM – Éric Benromdan, Jean-Claude Julien ainsi que Dominique Masset, par ailleurs responsable de l’association Campagne Glyphosate qui a lancé l’opération délirante des prélèvements d’urine – ont été condamnés par le tribunal de Toulouse à trois mois de prison avec sursis, et à dédommager l’Institut du végétal (Arvalis) à hauteur de 458 000 euros pour « dégradation ou détérioration du bien d’autrui commise en réunion », des faits « prévus par l’Art. 322-3 du code pénal ».

Cette sentence sanctionne les activistes qui ont saccagé, dans la nuit du 16 au 17 août 2017, cinq parcelles de tournesol expérimental à Vieille-vigne (31), cultivées dans le cadre du projet Syppre, porté par Arvalis, l’Institut technique de la betterave (ITB) et l’Institut technique des oléagineux (Terres Inovia) travaillant sur la diversité et la rotation des cultures. « En début d’audience, les prévenus ont reconnu leur participation à l’action de destruction du champ de tournesols avant de quitter la salle, alors qu’il leur avait été indiqué qu’ils auraient à nouveau la parole après les auditions des témoins », note le jugement.

Selon les Faucheurs, cette action était justifiée par « la certitude qu’une ou plusieurs variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH) y sont cultivées » et que « ces VrTH sont des organismes génétiquement modifiés ». À laquelle est venue s’ajouter une conviction supplémentaire : ces OGM sont illégaux car issus d’une technique réglementée par la directive 2001/18. Toutes affirmations qui n’ont pas été retenues par le tribunal.

Au moment où la juge a rendu sa décision, ce fut un tollé général, rapporte La Dépêche du Midi : « Les activistes présents dans la salle insultent la juge, mettent en cause sa probité. “Vendue, vous n’êtes pas digne de votre métier, vous avez reçu combien de la Macronie pour rendre une décision pareille ? C’est scandaleux !”, hurle une militante particulièrement remontée. » Déjà, l’audience du 3  mars 2022 s’était déroulée dans une ambiance particulièrement tendue. En effet, l’association Inf’OGM, présidée par une faucheuse volontaire, déplore qu’à cette occasion la juge ait « dès le départ, réduit le temps de parole des prévenus, nié la présence de l’un d’entre eux au moment de l’action (alors que celui-ci reconnaissait y avoir participé), empêché leur avocat Guillaume Tumerelle de poser des questions, coupé la parole aux témoins ». Et d’ajouter: « Face à ces agissements totalement inédits, qui nient donc le droit de la défense, les prévenus et leur avocat ont quitté l’audience. » Ce qui n’a pas empêché le procès de se dérouler. « Ceci est rare, pour ne pas dire exceptionnel dans un procès de faucheurs. Plus de doute sur le parti pris de la juge. Ce délibéré est en cohérence avec ce procès totalement inédit et inouï »,
estime Inf’OGM. Assez logiquement, les Faucheurs ont donc décidé de faire appel de cette décision.

Dans le monde agricole, on s’est plutôt félicité qu’un tribunal ait rendu un tel jugement, surtout après les relaxes prononcées en 2019 et 2021 pour ce même type d’actes de délinquance, qui ont pour objet de réduire à néant le travail de chercheurs et d’agriculteurs.

Lire aussi : une justice au service des faucheurs

Il n’est pas certain, hélas, qu’une telle sentence dissuade ces fanatiques, qui, par le passé déjà, se sachant exposés à de lourds dommages et intérêts et amendes, on privilégié des actions de nuit et sans revendication, afin justement d’échapper à toute poursuite judiciaire. L’Assemblée générale des Faucheurs, qui doit se tenir du 14 au 16 juillet à Saint-Geniez dans les Alpes-de-Haute-Provence, en général suivie de « travaux pratiques », constituera sans doute un indicateur de la direction que prendra ce groupuscule de militants radicaux.

Un contexte juridique différent

En réalité, si ce procès est, comme le souligne Inf’OGM, « inédit », en raison de la sentence prononcée, et aussi du fait qu’il n’a pas été transformé en tribune politique, c’est peut-être parce qu’un tribunal a enfin pris en compte que la nature même des actions des Faucheurs avait changé, justifiant désormais des sanctions sévères.

En effet, dans les années 2000, José Bové et ses commandos s’attaquaient aux plantes transgéniques qui étaient cultivées en parfaite légalité. Leurs actions relevaient ainsi d’une forme de désobéissance civile, dans la mesure où elles visaient à changer la loi pour rendre illégal ce type de cultures. Et avec la loi de 2008 interdisant la culture d’OGM transgéniques en France, votée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ils ont finalement obtenu gain de cause. Depuis lors, il n’y a plus aucune culture de plantes transgéniques sur le sol français.

Mais avec le fauchage d’août 2017, comme avec d’autres actions perpétrées au cours de ces dernières années, la problématique est très différente. Car les Faucheurs mènent à présent leurs actions sur des parcelles d’essais qu’ils estiment cultivées avec des OGM « illégaux », car issus d’une technique non exemptée par la directive européenne sur les OGM.

Pour une fois, une juge avisée condamne avec la plus grande fermeté des actions qui relèvent davantage de la milice que d’une quelconque forme de désobéissance civile

À la différence des OGM cultivés en toute légalité avant la loi de 2008, ces parcelles d’OGM seraient donc, selon les Faucheurs, tout simplement hors-la-loi. Cependant, même en admettant leur raisonnement, les Faucheurs auraient dû en informer les autorités compétentes pour qu’elles enquêtent, et, le cas échéant, sanctionnent un non-respect de la loi de la part du propriétaire de la parcelle. Mais bien loin de le faire, ils préfèrent faire justice eux-mêmes. Ce qui, dans un État de droit, est totalement interdit, quelles que soient les circonstances. Seuls les États dans lesquels sévissent des milices tolèrent ce
genre d’actions.

C’est d’ailleurs ce qu’avait estimé en 2011 la Ligue des droits de l’homme, dénonçant une tentative de « légalisation de milices » lors de débats sur une proposition de loi d’un député UMP de Seine-Saint-Denis qui visait à la création de comités citoyens de surveillance. « Il existe une police nationale républicaine. Il y a également des polices municipales, qui peuvent faire de la surveillance, coller des PV », avait alors indiqué la Ligue, en précisant que « ces fonctions régaliennes doivent rester aux mains de professionnels agissant
dans le cadre de procédures
».

Or, ces principes chers à la République sont totalement foulés aux pieds par les Faucheurs d’OGM, qui s’arrogent le droit de se substituer aux juges et aux forces de l’ordre. Est-ce donc si étonnant que, pour une fois, une juge avisée refuse de transformer leur procès en une plateforme de propagande, et qu’elle condamne avec la plus grande fermeté des actions qui relèvent davantage de la milice que d’une quelconque forme de désobéissance civile ?

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