AccueilMutagénèse« OGM cachés » : la bataille perdue de la Conf’

« OGM cachés » : la bataille perdue de la Conf’

Après plus de dix ans de procédure juridique au sujet des variétés obtenues par mutagenèse, le Conseil d’État a finalement clos la controverse. Sa décision du 23 octobre confirme qu’aucune de ces variétés ne doit être soumise à la directive 2001/18.

Dans son communiqué de presse du 24 octobre sur une décision rendue par le Conseil d’État, la Confédération paysanne se félicitait d’avoir remporté « une victoire importante dans le combat contre les OGM cachés ».

« La ténacité et l’engagement sans faille de la Confédération paysanne et structures partenaires dans cette lutte contre les OGM depuis tant d’années permettent aujourd’hui cette victoire importante », a claironné le syndicat paysan. Ce qui est fort de café ! Car si, par cette décision, la plus haute juridiction administrative condamnait effectivement l’État pour « inaction » concernant la traçabilité des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VTH), la Conf’ a cependant omis de préciser que, dans cette même décision, le Conseil d’État a mis un terme définitif au combat lancé il y a plus de dix ans – et désormais perdu – par le responsable de la Conf’ Guy Kastler contre les fameux « OGM cachés ». À savoir ces variétés de semences obtenues par mutagenèse aléatoire, très largement utilisées tant en agriculture conventionnelle qu’en agriculture biologique, et cela depuis plusieurs décennies.

Pourtant, le 7 février 2020, Guy Kastler et ses amis avaient obtenu une décision du Conseil d’État très favorable à leur cause. Abusé par la brillante présentation de l’avocat des requérants Guillaume Tumerelle, le Conseil d’État avait alors conclu de façon erronée à une distinction juridique entre mutagenèse aléatoire in vitro et in vivo, excluant seulement la seconde technique des impératifs de la directive 2001/18 sur les OGM. Mais il a aujourd’hui rectifié sa copie.

« Il résulte de l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 7 février 2023 que les techniques de mutagenèse aléatoire in vitro doivent être considérées, au même titre que les techniques de mutagenèse aléatoire in vivo, comme traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps, de telle sorte que les organismes obtenus au moyen de ces techniques sont exclus du champ d’application de la directive 2001/18/ CE », peut-on lire dans la décision du 23 octobre. Celle-ci est claire et sans la moindre ambiguïté : aucune variété obtenue par des techniques de mutagenèse aléatoire ne doit subir les contraintes de ladite directive, notamment en ce qui concerne l’étiquetage, contrairement à ce qu’avait conclu le Conseil d’État dans un précédent avis.

Lire aussi : OGM : le conseil d’État recalé par la CJUE

Ce point est essentiel, car c’était le cœur même du combat de Guy Kastler et de ceux qui ont commis des actes de destruction de parcelles d’essais, forgeant à dessein le mythe de l’existence d’« OGM cachés » illégaux. Ce combat, y compris dans son volet juridique, vient d’être définitivement perdu. Ce que le communiqué de presse de la Conf’ s’est bien gardé de signaler !

Au sujet des VTH

De même, concernant les variétés VTH – dont certaines ne sont pas le résultat de techniques de sélection par mutagenèse –, les magistrats constatent que l’État a bel et bien rempli l’essentiel des obligations notifiées par sa décision du 7 février 2020. Ainsi, il a validé la présentation d’un plan d’action de suivi des variétés VTH et la mise en œuvre des différentes actions, à la seule exception des actions nécessaires « pour l’amélioration de la traçabilité de l’utilisation des semences de variétés rendues résistantes aux herbicides ». Rappelons qu’il s’agit là d’une « recommandation » formulée par l’Anses dans son avis du 26 novembre 2019, que le Conseil d’État semble vouloir transformer en une obligation légale.

Cette question reste donc en suspens, le gouvernement disposant de trois mois pour y apporter une réponse. Or, une interprétation trop restrictive de cette injonction aura comme conséquence non seulement de rendre plus complexe l’usage des variétés VTH dans la lutte contre l’ambroisie, le datura et le chardon présents dans les cultures de tournesol et également de betterave, mais elle risque surtout de mettre le géant américain Corteva en situation de quasi-monopole grâce à son Viballa, un nouvel herbicide de post-levée efficace principalement contre l’ambroisie, et de laisser les agriculteurs sans solution face au développement du datura et du chardon.

Le Conseil d’État ayant, par sa décision, confirmé qu’il n’y a aucune raison que ces variétés entrent dans un cadre juridique différent de celui des autres variétés communément utilisées, on ose espérer que le gouvernement saura raison garder pour trouver une solution appropriée qui ne pénalise pas le développement de la filière par de nouvelles contraintes franco-françaises.

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