A écouter les réactions formulées suite à l’autorisation donnée par la Commission européenne de cultiver la pomme de terre transgénique de BASF, Amflora, on mesure la panique irrationnelle que suscite le sujet des OGM dans le cénacle politique français ! Dans un communiqué de presse, Laurence Rossignol et Germinal Peiro, respectivement en charge de l’environnement et de l’agriculture au Parti Socialiste, souhaitent que « le moratoire français sur le MON 810 soit étendu aux nouveaux OGM dont la commercialisation a été autorisée par la Commission », tandis que le député Vert Noël Mamère estime que l’autorisation relève du « déni de démocratie ».
On peut s’interroger sur le sens de ce remue-ménage passionnel, d’autant plus qu’Amflora n’est pas destinée à être cultivée en France. « Les deux industriels féculiers [français] ne sont pas, pour l’instant, demandeurs de cette variété. Il n’y a donc aucune raison que les producteurs français se lancent dans ce genre de culture », a indiqué à A&E Patrick Trillon, président de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT). Il souligne toutefois qu’un écart de compétitivité à l’intérieur de l’Europe risque de se poser rapidement. « Les amidonniers qui vont utiliser la variété Amflora vont bénéficier d’un avantage incontestable dans la mesure où Amflora contient 100% d’amylopectines, contre environ 50% dans les autres variétés », poursuit-il.
« Quatre pays ont indiqué être intéressés par cette pomme de terre génétiquement modifiée destinée à la production d’amidon pour l’industrie. Il s’agit de la Suède, de l’Allemagne, de la République Tchèque et des Pays-Bas. Ce projet ne concerne donc pas la France », a clairement indiqué à A&E Jean-Marc Petat, responsable environnement chez BASF Agro. Ce débat est donc sans aucun intérêt en France. De même, il n’y a aucune raison valable pour que le Haut comité des biotechnologies (HCB) soit saisi pour avis sur un OGM qui ne concerne pas la France ! D’autant plus que les experts français réunis au sein de l’Afssa se sont déjà prononcés au sujet d’Amflora. « Cet OGM a été étudié par les experts français réunis au sein de l’Afssa, puisque lors de l’instruction par les autorités scientifiques européennes (Aesa), chacun des états-membres est nécessairement consulté afin de formuler un avis. Dans ce cadre, la France a rendu un avis favorable pour son utilisation dès 2005 », souligne Philippe Joudrier, expert au sein du comité d’experts spécialisé en biotechnologie de l’Afssa à cette époque. Difficile dans ces conditions de penser que le HCB aboutira à des conclusions différentes…
Rien n’obligeait donc Chantal Jouanno à ajouter de la confusion dans ce dossier. Car refuser les « OGM qui nous sont imposés » et surtout ne pas voir « ce que cet OGM apporte » témoigne d’un manque évident de connaissance du dossier. Il aurait été plus sage pour la secrétaire d’Etat d’indiquer que non seulement l’amidon d’Amflora rend le papier plus brillant, le béton et les adhésifs plus résistants dans le temps, mais que cette nouvelle variété de pomme de terre présente des bénéfices environnementaux significatifs. D’une part, elle permet d’utiliser moins de terres arables pour obtenir la même quantité d’amidon. D’autre part, en éliminant à la source l’amylose indésirable de l’amidon, ces deux composés ne doivent plus être séparés chimiquement, ce qui entraîne des économies en eau et en énergie. Voilà donc une variété transgénique plus respectueuse de l’environnement et parfaitement compatible avec les objectifs du Grenelle de l’environnement ! Hélas, cela a visiblement échappé à Chantal Jouanno, dont les propos maladroits mettent en évidence son manque de professionnalisme, au risque d’irriter un peu plus le monde agricole, déjà passablement déçu par le mandat de Nicolas Sarkozy.