« Je ne suis pas un fan des OGM », a répété à trois reprises Bruno Le Maire, afin de bien se faire comprendre de la trentaine de journalistes agricoles présents lors de la remise du Grand Prix du Journalisme Agricole, le 19 octobre 2010. Un mois auparavant, le ministre de l’Agriculture avait déjà déclaré qu’il ne « voyait pas la perspective des produits OGM dans le futur comme quelque chose de positif ». Il estimait même « qu’il serait erroné de faire un lien fort entre les biotechnologies végétales et la compétitivité du secteur agricole ».
En revanche, Bruno Le Maire a souligné son attachement ferme et solide à la recherche dans le domaine des biotechnologies. Non parce qu’il croit en l’avenir des OGM, mais parce qu’il tient à ce que la France conserve une « expertise indépendante ». Cette expertise doit servir à détecter la présence d’OGM sur le territoire français, a-t-il expliqué. En clair, il ne s’agit pas de développer un savoir-faire utile aux agriculteurs, qui leur permettrait d’utiliser de futures variétés d’OGM, mais de s’assurer que ces variétés ne pénètrent pas sournoisement dans leurs champs ! Ces propos, qui auraient aussi bien pu être tenus par les trois précédents ministres de l’Agriculture, Michel Barnier, Dominique Bussereau et Hervé Gaymard, témoignent de l’erreur d’évaluation patente sur ce dossier, et ce au plus haut sommet de l’État.
Pourtant, le ministre peut compter aujourd’hui sur l’expertise du Comité éthique, économique et social (CEES) du Haut conseil en biotechnologies (HCB). Un Comité dont les avis apportent un éclairage bien différent du sien sur les OGM ! Ainsi, dans son récent avis sur le maïs génétiquement modifié de Syngenta Bt 11, le CEES estime que les avantages liés à sa culture sont largement supérieurs aux inconvénients. Y compris pour des raisons économiques. Il souligne en effet que cet OGM préserve le niveau des rendements, même s’il ne l’augmente pas. « En lui-même, le maïs Bt 11 ne permet pas des rendements accrus, son potentiel génétique étant équivalent à celui d’une variété de maïs non OGM ; mais parce qu’il protège mieux contre certaines attaques parasitaires et du même coup contre certaines formes de verse (épis et tiges), le Bt 11 évite des pertes de rendements pour l’agriculteur, les années de forte infestation », peut-on lire dans le texte. Cette différence de rendements en cas d’attaque a même été estimée : elle se situe entre 5,5 et 7 q/ha en faveur du maïs OGM. En cas de forte infestation, elle peut même atteindre 10 %, poursuit l’avis. Autrement dit, avec un prix de 198 euros la tonne (prix FOB Bordeaux à la date du 22 novembre 2010), le gain pour un propriétaire d’une exploitation de 100 hectares est de l’ordre de 13 860 euros ! Or, cette année, plus de 150 000 ha ont subi en France de telles attaques parasitaires. Par conséquent, on peut estimer la perte pour les agriculteurs à environ 20 millions d’euros !
Et ce n’est pas tout. Au regard de la hausse des prix (plus de 8 %), provoquée le 8 octobre dernier par le réajustement à la baisse des niveaux de rendements du maïs effectué par le ministère américain de l’Agriculture (155,3 boisseaux à l’acre contre 165 boisseaux espérés), on peut raisonnablement se demander quel serait aujourd’hui le prix du maïs si toutes les cultures avaient été conventionnelles…