Lors d’une conférence de presse, tenue dans la cour du ministère de l’Agriculture ce vendredi 1er juin, Stéphane Le Foll a annoncé qu’il lançait le processus d’interdiction pour l’usage du Cruiser OSR sur colza. Pour justifier cette mesure, le ministre de l’Agriculture prétend s’appuyer sur deux avis – celui de l’Anses et celui de l’Efsa. Or, le terme « effet néfaste » évoqué par le ministre ne figure nulle part dans ces avis, qui confirment au contraire que les auteurs de l’étude « A common pesticide decreases foraging success and survival in honey bees» de Henry et al. (2012) ont bel et bien utilisé des doses de thiamethoxam jusqu’à présent jamais rencontrées sur le nectar de colza !
Le ministre a donc fait le choix d’ignorer l’avis des experts, dont les conclusions sont pourtant sans ambiguïté. « Les données de terrain indiquent que, dans les conditions de pratiques agricoles actuelles, l’exposition des abeilles au thiamethoxam via les résidus de nectar de colza (de 0,1 à 0,33 ng/abeille selon les résultats d’analyse obtenus) est inférieure à la dose utilisée dans l’expérience (1,34 ng/abeille) », note l’Anses, qui ajoute : « L’interprétation des auteurs selon laquelle la dose de thiaméthoxam de 1,34 ng/abeille serait communément rencontrée sur le terrain est donc considérée comme non vérifiée par les observations disponibles ».
Même conclusion de la part de l’Efsa, qui conclut que « pour ce qui concerne les abeilles mellifères, les concentrations de pesticides ayant été testées dans les études publiées sont plus élevées que les plus hauts niveaux enregistrés de résidus de néonicotinoïdes thiaméthoxame, clothianidine et imidaclopride présents dans le nectar ». L’écart entre la dose administrée et le pire scénario possible a même été évalué : « Sur la base des données collectées auprès de l’ensemble des Etats-membres, l’Efsa conclut que la concentration en thiaméthoxam du sirop administré aux abeilles dans l’étude de Henry et al. (2012) est environ 10 fois supérieure à la concentration maximale observée dans un échantillon de nectar » (lire à ce sujet l’article « Étude de l’Inra : un surdosage de 30% »).
« Le changement, c’est donc la priorité aux abeilles », a commenté Pascal Berthelot journaliste à Europe 1, présent lors de la conférence de presse. Ce qui n’est même pas le cas, puisque la cohabitation entre colza traité Cruiser et abeilles s’est parfaitement bien passée cette année. En effet, interrogé par A&E, Stéphane Le Foll a confirmé n’avoir aucun élément chiffré concernant d’éventuels cas de mortalité attribuables cette année à l’usage de Cruiser sur colza, alors que les agriculteurs l’ont utilisé sur 650 000 ha, soit près d’un hectare de colza sur deux. Stéphane le Foll va donc priver le monde agricole d’une solution de protection de plantes efficace et compatible avec l’apiculture, sur la simple base d’une étude réalisée en partie en laboratoire et dont le dosage est estimé 10 fois supérieur à celui rencontré dans la réalité ! Ce faisant, il va forcer les producteurs de colza à revenir aux anciens pesticides foliaires. Un comble !