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Pesticides : les faux chiffres de Mme Hilal Elver

Lors de la présentation de son rapport sur les « effets néfastes des pesticides sur les droits de l’homme », publié le 8 mars 2017, la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, Mme Hilal Elver, a déclaré que les pesticides « causent 200000 décès par an ». Occasion de fustiger « certaines entreprises transnationales » et de proposer « un traité mondial régissant l’utilisation des pesticides ».

Souvent repris par les médias et les ONG écologistes, ce chiffre date de plus de trente-cinq ans. Il est même totalement fantaisiste, comme l’a révélé le site Alerte-Environnement.fr.

« En regardant le rapport de Mme Hilal Elver, nous avons trouvé ce chiffre de 200 000 décès avec comme référence une étude scientifique d’un Suédois, Måns Svensson, datant de 2013, laissant croire que cette estimation est récente. L’étude du Suédois cite aussi les 200000 décès, mais avec la référence d’une autre étude scientifique, celle de l’Américain Burton W. Lee, datant de 2003. Là, une fois de plus, ce n’est pas lui qui est à l’origine de cette estimation. Cependant, il donne une autre référence : un rapport de l’OMS intitulé “Public Health Impact of Pesticides Used in Agriculture”, datant de 1990 », note Alerte-Environnement. À la lecture du rapport de l’OMS, on découvre ensuite qu’il fait lui aussi référence à des travaux antérieurs : ceux effectués par un certain Jeyarajah Jeyaratnam, auteur d’un éditorial publié en 1982 dans le British Journal of Industrial Medicine. La première apparition de ce chiffre date donc de 1982 !

Des suicides et non des usages professionnels

Et ce n’est pas tout. Comme le précise M. Jeyaratnam, l’estimation de 200 000 décès provient d’une extrapolation réalisée à partir des 13 000 malades admis dans les hôpitaux du Sri Lanka pour le traitement d’intoxications aiguës, dont 1 000 décès enregistrés en 1979.

« En appliquant à l’échelle mondiale les résultats de notre étude sur le Sri Lanka, le nombre d’intoxications serait horrible – 2,9 millions de cas par an pour les pays en développement et 200 000 décès », indique le spécialiste, qui n’a jamais prétendu que ce chiffre reflétait une réalité quelconque, même il y a 35 ans. D’autant plus que sur les 1 000 décès, il précise que 73 % sont attribués à des cas de suicides. Rien à voir avec un usage normal de ces produits ! Pour le reste, il s’agit d’accidents professionnels ou fortuits parfaitement évitables. En tant que médecin, le Dr Jeyaratnam voulait précisément alerter les pouvoirs publics sur les divers dysfonctionnements liés à l’usage de ces produits. « Le problème ne se pose pas en termes de pesticides, mais de leur utilisation inappropriée, d’une formation inadéquate, d’installations de stockage insuffisantes, d’équipements de pulvérisation défectueux et de manque de vêtements de protection », explique le Dr Jeyaratnam, qui précise qu’il ne faudrait pas commettre l’erreur « de considérer les pesticides comme des “méchants ” ».

Remis dans leur contexte, les écrits de ce spécialiste sont parfaitement cohérents et légitimes. Et grâce à ces mises en garde, de très nombreuses mesures ont finalement été adoptées, bien que la situation laisse encore à désirer dans de trop nombreux pays. Le sujet reste donc sérieux. Il est d’autant plus dommage que Mme Hilal Elver le traite avec une telle légèreté.

Sources :
1. Enquête sur le chiffre faux des décès par pesticides, Alerte-Environnement, 10 mars 2017.
2. The Quite epidemic; pesticide poisoning in Asia, IDRC Report, Jan 1987.
3. Survey of pesticide poisonin in Sri Lanka, Bulletin of the World Health Organisation, 1982.
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