La suppression du dispositif Travailleurs Occasionnels Demandeurs d’Emploi (TODE) met en péril des secteurs entiers de notre agriculture. Le point avec Josselin Saint-Raymond, responsable des relations filières pour l’Association nationale pommes poires.
Qu’est-ce qui va changer en 2019 pour les employeurs de main-d’œuvre saisonnière ?
De manière inattendue, le gouvernement a décidé d’augmenter brutalement le coût du travail pour les employeurs de main-d’œuvre saisonnière. L’arboriculture fait partie des productions qui ont le plus besoin de cette main-d’œuvre. Et ce besoin est renforcé par le mode de conduite agroécologique comme Vergers écoresponsables ou bio. Ce sont des modes de production qui nécessitent davantage d’observation et d’interventions manuelles ou mécaniques.
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Or, la décision de supprimer le dispositif Travailleurs Occasionnels Demandeurs d’Emploi (TODE) va provoquer une hausse du coût du travail de 15%. Sachant que la main-d’œuvre représente 60 à 70 % de notre coût de production et que nos marges sont de seulement quelques pourcents, il n’y a pas besoin de s’appeler M. Vilani pour comprendre que la faillite guette les exploitations arboricoles.
Est-ce que les allègements de charges sur les travailleurs saisonniers sont justifiés ?
Bien sûr ! Les allègements de charges pour les employeurs de main-d’œuvre saisonnière existent sous des formes diverses depuis 1985. Il s’agit d’un dispositif pour réduire le différentiel de compétitivité avec les pays qui présentent les plus faibles salaires. Et pourtant, malgré ces allègements, le coût du travail saisonnier en France est 27% plus élevé qu’en Allemagne, 37% plus élevé qu’en Italie et même quatre fois plus élevé qu’en Pologne, le premier producteur européen de pommes. Nos entreprises s’appuient sur ces allègements depuis trente-trois ans. La décision de supprimer le TODE met nos producteurs face à un mur de charges insurmontable dès le 1er janvier 2019.
Le gouvernement promet de trouver des solutions pour neutraliser la suppression du TODE. Qu’en est-il ?
Le gouvernement raisonne de manière macroéconomique, ce qui masque l’impact réel et dramatique de cette décision pour les arboriculteurs. On nous annonce un bénéfice pour la ferme France de 60 millions d’euros, soit un gain de 130 millions d’euros pour les coopératives et une perte de 70 millions d’euros pour la production. Que l’on souhaite renforcer les coopératives s’entend. Mais comment peut-on proposer de le faire au détriment des producteurs ? C’est une stratégie absurde. Sans producteurs, il n’y a pas d’outil coopératif !
Et ce n’est pas tout : cette approche macroéconomique masque volontairement la perte insupportable de 145 millions d’euros qui sera supportée par les employeurs de main-d’œuvre saisonnière. C’est près de 70 millions d’euros pour les seuls producteurs de fruits et légumes dont on connaît la fragilité face à la concurrence des importations et aux crises conjoncturelles.
On nous parle aussi de rénovation de la fiscalité avec la mise en place d’une dotation pour épargne de précaution. C’est un leurre absolu et cela démontre que les décisions sont prises par des fonctionnaires qui ne connaissent rien à la réalité du terrain. Nous ne ferons pas l’affront du cours de gestion d’entreprise en passant sur la différence entre une charge et une dotation. Mais j’aimerais que l’on m’explique comment une exploitation qui se retrouvera demain en déficit structurel par l’augmentation du coût de la main-d’œuvre saisonnière pourra avoir recours à un dispositif fiscal basé sur les bénéfices qu’elle ne sera plus en mesure de générer ?
Qu’aimeriez-vous dire au gouvernement pour le convaincre de revenir sur sa décision ?
Nous souhaitons conserver le dispositif TODE actuel et obtenir la compensation intégrale de la perte du CICE. Nous ne pouvons pas imaginer une seule seconde que le gouvernement envisage de réduire notre compétitivité. Il n’a rien à y gagner. On ne se rend pas compte du formidable chantier d’insertion que constituent les cultures saisonnières en France. Grâce au TODE et au CICE, ce chantier d’insertion coûte moins de 2 euros par Français et par an. Plus de 900000 contrats de travail sont concernés par ce dispositif en France. Le travail du verger et la récolte des fruits font à eux seuls vivre 90000 saisonniers et leurs familles chaque année depuis des générations, et ceci du Val-de-Loire à la Provence en passant par la vallée de la Garonne. Le gouvernement est-il prêt à sacrifier tous ces emplois ?
Comment peut-on condamner nos exploitations en raison d’une orthodoxie budgétaire qui ne se soucie pas des conséquences que cela aura sur l’offre alimentaire des Français et les emplois dans les territoires ? La situation conduit déjà certains arboriculteurs à arracher les vergers les moins rentables. Si le gouvernement persiste, ce sera tout le verger français qui sera arraché. Les arboriculteurs sont en colère. Ils se battront jusqu’au bout pour conserver l’emploi dans les villages et pour continuer à nourrir les Français et leurs enfants avec des fruits français !
Comment peut-on nous dire à l’issue des Etats généraux de l’alimentation que pour répondre à l’attente de nos concitoyens, nous devons leur proposer des produits locaux, de haute qualité, produits dans le respect de l’environnement, et en même temps décider d’augmenter brutalement le coût du travail qui condamne nos productions à la délocalisation hors de France ?