Le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert aura tenu à peine un an et demi. En bon et loyal soldat du Président Macron, il a porté la politique du « en même temps ». Résultat : pour les écologistes, il aura incarné le lobby agricole, tandis que pour le monde agricole, il aura été un ministre incapable de défendre ses intérêts. L’histoire ubuesque du glyphosate constitue l’exemple parfait de la soumission d’un ministre aux desiderata irrationnels de son patron. Mais cette affaire très médiatisée n’est pas la seule à laisser des traces douloureuses dans le monde agricole.
Alors que le Président avait claironné qu’il ne laisserait aucune filière sans solution, celle de la betterave se retrouve pourtant bien démunie face à la suppression des néonicotinoïdes. Cette mesure menace d’entraîner des pertes potentielles de rendement « pouvant aller jusqu’à 50% dans certaines zones de climat océanique et 12 % au niveau national », s’inquiète l’Institut technique de la betterave (ITB) tandis que l’Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre (AIBS) déplore que les seuls « vrais gagnants » de cette interdiction seront les producteurs de sucre des pays tiers. Il est vrai que le sucre n’est pas vraiment la denrée idéale pour cette supposée « montée en gamme » qui serait, selon le Président, la voix salutaire pour l’agriculture française.
C’est pourtant le cas des carottes de sable de Créances, une production unique en son genre qui bénéficie depuis 1967 du Label Rouge. Néanmoins, elle aussi risque de disparaître du paysage français. Cultivée dans des petits terrains sablonneux proches de la mer mais à l’abri des dunes, c’est « la carotte dont on rêve», relate Auriane Velten dans la revue Régal. « Orange foncé, presque rouge, lisse et très droite, elle cache un croquant remarquable et ce goût doux et sucré qui caractérise les carottes d’exception », poursuit la journaliste. Or, pour la première fois en neuf ans, le dichloropropène utilisé contre Heterodera carotae, un nématode qui réduit et déforme les carottes en les rendant impropres à la vente, n’a pas bénéficié de dérogation. Hélas, il n’existe aujourd’hui aucune solution de rechange. « Que la France fasse la course en tête dans le domaine de l’environnement, je peux le comprendre. Mais que l’on interdise une molécule de façon unilatérale, c’est totalement irresponsable », s’insurge Pascal Férey, président de la Chambre d’agriculture de la Manche.
Dans un courrier adressé à Stéphane Travert et daté du 20 septembre 2018, trois sénateurs et trois députés exhortent le ministre à prendre les mesures adéquates pour « préserver l’avenir de cette filière légumière et des emplois qu’elle représente ». Ils n’ont reçu aucune réponse de l’ancien locataire de la rue de Varenne. L’incapacité de répondre aux problèmes techniques que pose l’interdiction de certains pesticides entraîne inévitablement la France vers la délocalisation de son agriculture et Emmanuel Macron risque de terminer son mandat comme le « Président des Friches ».
À LIRE AUSSI : Les conséquences désastreuses de la fin du dispositif TODE
Tout le contraire de ce que souhaite visiblement le nouveau ministre de l’agriculture, Didier Guillaume. Dans son discours d’inauguration le 16 octobre, il a en effet promis d’œuvrer aussi pour l’émergence d’une « agriculture compétitive et exportatrice ». S’il veut gagner la confiance du monde agricole, il pourrait déjà commencer par prendre une mesure immédiate : revenir sur la suppression de l’exonération des charges pour les travailleurs saisonniers (TODE).