AccueilDécryptageLanceurs d’alerte : une instrumentalisation orchestrée par la MLA

Lanceurs d’alerte : une instrumentalisation orchestrée par la MLA

Protéger les lanceurs d’alerte est louable et même souhaitable. En revanche, mettre cette protection au service d’engagements idéologiques, comme le font certaines ONG, pose un réel problème.

Le 19 janvier dernier, la Maison des lanceurs d’alerte (MLA), un collectif réunissant associations et syndicats, a manifesté devant le Palais du Luxembourg afin de dénoncer une « régression extrêmement inquiétante » de la protection des lanceurs d’alerte.

En ligne de mire, des amendements proposés par la commission des lois du Sénat, qui tendraient à affaiblir le droit d’alerter. Le délégué général de la MLA, Glen Millot, estime en effet que « la majorité des alertes pourraient être bloquées », notamment en raison du fait « que l’alerte ne peut être obtenue que par des moyens licites ». Ainsi, par exemple, les saccages ou intrusions illégales, comme ceux commis par les Faucheurs Volontaires d’OGM, ne relèveraient pas d’une protection de lanceurs d’alerte.

Lanceurs d’alertes ou militants politiques ?

S’il semble souhaitable d’avoir un dispositif législatif qui puisse protéger au mieux les lanceurs d’alerte, il est cependant tout aussi essentiel de déterminer un cadre précis définissant ce qui peut être considéré comme une « alerte », afin, en particulier, d’écarter les risques de dérives pour convictions idéologiques. La plateforme baptisée « GreenLeaks », dédiée aux lanceurs d’alerte sur « les sujets écologiques et environnementaux », qui a été mise en place par Greenpeace, constitue un excellent exemple de ce type de dérives. Et le collectif MLA, qui a notamment bénéficié du soutien de la journaliste Élise Lucet, ne semble pas être à l’abri de ce genre de problème…

Financé à hauteur de 100 000 € (en 2019-2020) par la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme (FPH) qui, de surcroît, l’héberge gracieusement dans ses locaux, ce collectif a été créé en 2018 à l’initiative de Sciences Citoyennes et Transparency International France, deux structures également sponsorisées par la FPH. Parmi les associations fondatrices de la MLA, on trouve des associations écologistes comme Greenpeace, le Criigen, le Réseau Environnement Santé et Bloom, des associations altermondialistes comme Attac, ou encore des syndicats comme le Syndicat national des journalistes, CFDT Cadres, l’Ugict-CGT et Solidaires. En décembre 2020, la MLA avait à son actif trois cents demandes de soutien et plus de cent cinquante lanceurs d’alerte accompagnés.

Or, si l’on s’avise que l’un des coprésidents de la MLA est Arnaud Apoteker, ancien responsable OGM de Greenpeace, délégué général de Justice Pesticides, administrateur du Criigen, d’Inf’OGM et de Sciences Citoyennes, on se prend à douter de l’impartialité avec laquelle une alerte pourra être jugée fondée ou non. Un fait qui explique par ailleurs le ralliement d’associations telles que L214, présente à la manifestation du 19 janvier.

Le soutien de la MLA à Valérie Murat

À cet égard, on voit mal comment toute personne ou structure s’attaquant aux pesticides ou aux OGM ne serait pas immédiatement proclamée « lanceur d’alerte ». Ainsi, la MLA a sans surprise apporté son soutien à Valérie Murat, pourtant condamnée pour dénigrement après avoir publié des analyses montrant que des vins de Bordeaux labellisés HVE (haute valeur environnementale) contenaient des résidus de pesticides de synthèse. Au nom de la sacro-sainte lutte contre les pesticides, la MLA a donc permis à Valérie Murat, quoiqu’elle affirme n’importe quoi – en l’occurrence que ces résidus infinitésimaux représenteraient un danger mortel –, d’être labellisée « lanceuse d’alerte ». Un non-sens, si l’on se fie au site du collectif, où il est clairement indiqué qu’une alerte doit être fondée sur « des faits que vous pouvez prouver ». Il y est également conseillé d’« éviter toute généralisation, outrance ou ton polémique qui vous seront préjudiciables. Une fois l’alerte traitée et un jugement prononcé (notamment en cas de licenciement), il faut lâcher prise, reconstruire. Le lanceur d’alerte, obsessionnel, peut être son pire ennemi ». Autant de conseils pleins de bon sens qui n’ont manifestement pas été suivis par Valérie Murat.

Les fausses alertes du Criigen

De même, que penser du rôle important tenu par le Criigen au sein de la MLA, quand on se souvient que cette association a promu l’une des plus importantes campagnes de fausse alerte qu’on ait connues, avec la fameuse étude de Gilles-Éric Séralini sur des rats prétendument intoxiqués par un OGM ? Depuis lors, l’association fondée par Corinne Lepage s’est aussi singularisée par son soutien apporté à la nébuleuse antivax, en diffusant notamment des vidéos et documents de Christian Vélot, qui fut, jusqu’à une date très récente, également administrateur… de la MLA!

Dans ce contexte, le fait que la MLA se soit publiquement félicitée du soutien à son action manifesté par la comédienne Anny Duperey, qui s’est exprimée à plusieurs reprises contre la vaccination anti-Covid, interpelle.

Si elle ne veut pas porter préjudice aux véritables lanceurs d’alertes, comme par exemple Patrick Ackerman à l’origine du procès contre France Télécom, la MLA serait donc bien inspirée de faire un petit ménage au sein de sa propre structure, au lieu d’aller s’agiter devant le Palais du Luxembourg…

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