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Réduction des pesticides : fronde contre la Commission européenne

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Alors que la Commission européenne campe sur ses positions concernant la réduction de l’usage des pesticides, une résistance de plusieurs pays membres est en train de voir le jour

Selon le magazine Politico, la direction générale de la santé (DGS) de la Commission européenne aurait adressé le 19 juillet dernier aux différents pays des objectifs chiffrés concernant les obligations nationales de réduction des produits phytosanitaires prévues dans le Green Deal.

Or, la veille, lors de la réunion des ministres de l’Agriculture de l’UE à Bruxelles, plusieurs pays, dont la France, avaient fait part de leur souhait de revoir les objectifs de réduction de pesticides de la Commission. « Un grand nombre de pays, dont la Pologne, la Lituanie et la Roumanie, ont critiqué la méthodologie scientifique sur laquelle reposent les objectifs nationaux », relate Politico. Une remise en question que partage aussi la Belgique : « On a de gros problèmes avec ces méthodes de calcul. Ce sont des indicateurs complètement arbitraires », a ainsi déclaré Maarten Trybou, fonctionnaire au ministère belge de l’Agriculture.

Lire aussi : la réduction des pesticides passera par le progrès scientifique

Pourtant, une liste non officielle des objectifs de la Commission pour 25 pays de l’UE, qui a fuité dans la presse, révèle que pas moins de 10 pays ont été invités à réduire de plus de 50 % l’utilisation et les risques liés aux pesticides, à savoir un objectif supérieur à celui arrêté pour l’ensemble de l’UE. On y découvre que la France est censée réduire de 54 % l’utilisation et les risques liés aux pesticides, tout comme l’Espagne, tandis que l’Italie se voit fixer un objectif de 62% et l’Allemagne de 55%.

Un manque d’évaluation scientifique

Difficilement atteignables sans mettre en péril la production agricole européenne, ces objectifs ne prennent pas en compte des mises en garde adressées par un certain nombre de pays de l’UE à la Commission pour l’alerter contre les multiples conséquences d’une adoption du texte en l’état.

Ainsi, dans une note commune datée du 23 mars dernier, une coalition de 12 pays incluant notamment l’Autriche, la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie et l’ensemble des pays Baltes, exprimait clairement que la proposition initiale de la Commission avait « suscité de vives inquiétudes ».

Ces pays soulignaient notamment que les objectifs de réduction de pesticides avaient été fixés « sans que les évaluations scientifiques des possibilités pratiques de les atteindre ne soient dûment étayées » et qu’ils « ne tiennent pas compte des différences entre eux en termes de quantité de substance active utilisée par hectare de terre agricole et des résultats déjà obtenus au niveau des États membres ».

La présidence tchèque du Conseil de l’UE ne s’attend donc pas à ce que les pays parviennent à une position unifiée d’ici la fin de son mandat

« Les objectifs de réduction de pesticides adoptés ne devraient pas entraîner une diminution de la production agricole, afin de ne pas menacer la sécurité alimentaire de l’Union européenne », soulignait le texte en rappelant qu’ « à l’heure actuelle, les agriculteurs n’ont pas accès à un large éventail d’alternatives appropriées pour obtenir un rendement de haute qualité, ce qui peut entraîner une baisse de la qualité des aliments dans l’Union européenne ». Et de conclure que « les États membres devraient être autorisés à fixer ces objectifs conformément au principe de subsidiarité et d’une manière qui tienne davantage compte de la nature spécifique de chaque État membre et de sa nécessité de protéger les plantes contre les organismes nuisibles ».

Pour sa part, le gouvernement polonais a adressé, le 30 juin, un courrier aux filières agricoles pour faire part de son opposition au projet de la Commission : « La position du ministère à l’égard du projet est fortement négative, compte tenu du fait que des restrictions et des charges imposées aux agriculteurs sont proposées dans le projet. » Et d’encourager les filières agricoles « à exprimer leur position sur les solutions législatives proposées dans le projet, qui serait ensuite utilisée par le ministère ». « L’obtention de votre opinion argumentée nous permettra de développer une position qui réponde le mieux possible aux besoins du pays », concluait la lettre.

Comme le remarque Politico, la présidence tchèque du Conseil de l’UE ne s’attend donc pas à ce que les pays parviennent à une position unifiée d’ici la fin de son mandat,