Alors que les importations alimentaires poursuivent leur croissance, la stratégie de la « montée en gamme » semble plutôt accélérer la tendance, estime un rapport parlementaire rendu public le 28 septembre
Le rapport sur la compétitivité du secteur agricole présenté le 28 septembre à la Commission des affaires économiques conclut sans ambiguïté que « la tendance à l’effritement de la place de la ferme France dans le monde se poursuit et jamais les importations alimentaires n’ont pris une place aussi importante dans l’assiette des Français ».
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Et pour ses auteurs, les sénateurs Duplomb, Louault et Mérillou, la stratégie sur la « montée en gamme », qui a pris sa source dans le discours du président de la République prononcé à Rungis le 11 octobre 2017, y contribue au premier chef. « Faire de la montée en gamme le principal moteur de la politique agricole sans un raisonnement adapté par filière, par culture, par territoire, par marché, c’est méconnaître les réalités économiques agricoles de notre pays », observent les auteurs. C’est même, selon eux, « une erreur stratégique qui envoie l’agriculture française dans le mur ». Comme leur a confié l’un des professionnels auditionnés : « Nous nous sommes réjouis de ce discours de Rungis et des perspectives de la montée en gamme. Mais les réjouissances furent courtes. »
Cette stratégie repose sur une idée simple : les produits français n’étant plus compétitifs, il faut qu’ils montent en gamme pour atteindre des marchés de niche plus rémunérateurs. Mais qu’en est-il dans les faits quelques années plus tard ?
À l’exception de certains produits très ciblés, l’agriculture française a poursuivi la lente érosion de son potentiel productif. Car, non accompagnée d’une politique de compétitivité, cette stratégie n’a fait qu’aboutir à ce que l’agriculture française réponde désormais aux besoins du « repas du dimanche », constitué de produits plus onéreux, mais « en passe de devenir inaccessibles à de nombreux Français » en raison de la perte de pouvoir d’achat des consommateurs.
L’effet « repas du dimanche »
L’effet « repas du dimanche » est déjà l’apanage des filières tomate et poulet, note le rapport. Désormais, « Les produits français sont servis en de plus en plus rares occasions, laissant la place aux produits importés pour les repas du quotidien, ceux de la restauration hors foyer et dans les plats transformés des familles les plus modestes ». Ainsi, les importations de poulet ont quadruplé en 20 ans, alors qu’en même temps, la consommation de poulet labellisé plafonne. « Tout se passe comme si les Français consommaient un bon poulet du dimanche par mois, labellisé et produit en France, tout en acceptant de manger tous les jours du filet de poulet importé, issu d’élevages plus compétitifs », déplorent les auteurs. Résultat : presque un poulet sur deux qui est consommé en France est importé !
Le cas de la tomate cerise est également très instructif : concurrencés par les producteurs marocains, les maraîchers français, délaissant leur cœur de gamme, ont joué la carte de la montée en gamme en se focalisant sur les tomates cerises. « Ainsi, si en 2016, la production française de tomates était de 800 000 tonnes, elle a été réduite de 23 % depuis, atteignant un niveau historiquement bas de 615 000 tonnes en 2020. » Sauf que la production française de tomates cerises a rapidement été concurrencée par les leaders du marché que sont les producteurs marocains, qui ont eux aussi réorienté une partie de leurs surfaces consacrées à la tomate ronde vers des surfaces dédiées à la tomate cerise, bien mieux valorisée sur les marchés exports. Et aujourd’hui, le Maroc, comme la Belgique et la Hollande, présentent des offres bien plus compétitives.
In fine, « la stratégie de montée en gamme de la filière n’a pas été couronnée de succès, la France ayant été détrônée sur le cœur de gamme (tomate ronde) et le haut de gamme (tomate cerise) », constatent les trois sénateurs, qui espèrent que cette douloureuse expérience servira d’avertissement pour d’autres filières…