En raison d’un contexte de désintérêt grandissant des consommateurs pour ses produits, la filière bio se lance dans une absurde guerre contre différents labels, comme celui de la certification HVE
Le 23 janvier dernier, le Conseil d’État a été saisi par un collectif d’associations proches du lobby du bio estimant que le label HVE (Haute valeur environnementale) était « contraire au droit français depuis 2011 ». Selon ses termes, le label HVE constituerait une tromperie étant donné que le seul modèle « certes perfectible, mais qui a l’une des plus hautes performances environnementales », c’est l’agriculture biologique.
Deux jours plus tard, les branches européenne et française de l’Ifoam (Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique) – principal lobby du bio – ont saisi le tribunal judiciaire de Paris pour demander la cessation de l’usage de l’affichage Éco-score, en faisant valoir que, dans la mesure où l’abréviation « Éco » est utilisée pour des produits non certifiés biologiques, « il est considéré comme étant de nature à créer la confusion dans l’esprit du public », et dévalorise par conséquent les produits issus de l’agriculture biologique. À la place, l’Ifoam souhaite instaurer le Planet-score, un label conçu par le secteur bio en vue de favoriser ses produits.
Ces deux initiatives juridiques s’inscrivent dans un contexte général de désintérêt grandissant des consommateurs pour les produits bio, dont le marché connaît sa plus grave crise existentielle. La stratégie de la filière bio est claire : la guerre se mènera désormais avec l’arme judiciaire.
Dans les deux cas, on peut cependant se demander qui trompe qui. Ainsi, à quel titre la filière bio aurait-elle le monopole du préfixe « éco » ? D’autant qu’elle s’est déjà abusivement approprié le terme « bio », quand toute la production agricole est par définition « biologique »… Et que dire de l’usage de la mention « sans OGM » alors que certains produits, qui sont incontestablement, selon la directive 2001/18, des OGM, certes non réglementés, sont pourtant présents sur les étals des magasins bio ? La tromperie est flagrante et indiscutable.
Par ailleurs, le dénigrement systématique du label HVE, accusé d’être la source des déboires du marché bio, ne constitue certainement pas la méthode la plus intelligente pour sortir l’agriculture bio de sa crise. Surtout lorsqu’on prend la peine d’analyser les arguments avancés par le collectif, qui sont justement trompeurs !
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Des allégations fantaisistes
« Le collectif se targue d’avoir fait une analyse juridique très poussée et aligne des affirmations appuyées par plusieurs références bibliographiques. Or, lorsqu’on prend le temps de lire le contenu de ces références, on constate qu’elles disent le contraire des affirmations qu’elles sont censées appuyer », constate une note interne de l’Association nationale pour le développement de la certification HVE, qui livre quelques beaux exemples de ces allégations fantaisistes.
Alors que le collectif anti-HVE affirme que « le label HVE est contraire au droit français depuis 2011 », la mention HVE gérée dans le cadre du dispositif officiel de certification environnementale est encadrée par un solide dispositif de textes réglementaires depuis 2011.
De même, il est erroné de prétendre que « le respect des règles environnementales de base de la Politique Agricole Commune n’est pas exigé ». Il est clairement exigé, et fait même l’objet d’une validation préalable des règles de conditionnalité PAC via une validation du niveau 1 du dispositif de certification, ainsi que le rappelle l’association.
Le collectif affirme ensuite que « l’utilisation d’intrants chimiques comme des engrais et pesticides de synthèse particulièrement néfastes pour l’environnement ou pour la santé humaine reste autorisée », alors que le dispositif, au contraire, contraint très fortement le recours aux intrants de synthèse tant sur le plan quantitatif que sur leur classe de risque.
Mais surtout, l’assimilation systématique des produits de synthèse à des produits particulièrement néfastes, qui est le grand refrain du lobby du bio, passe sous silence l’usage des pesticides autorisés et utilisés en bio, qui présentent des risques sanitaires et environnementaux similaires, voire pires, pour l’utilisateur et l’environnement. Faire croire aux consommateurs que l’agriculture bio n’utilise pas de pesticides – ou que ceux utilisés seraient anodins et sans danger – n’est-ce pas précisément l’une des plus belles tromperies du siècle ?